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Pourquoi le Front National doit-il être considéré comme un parti d’extrême droite ? Pour deux raisons qui font de lui un héritier direct de l’idéologie de Vichy :

  1. C’est un parti xénophobe.

Certes son discours a évolué ; il est devenu plus modéré, avec l’héritière, Marine « première » (dont on espère qu’elle sera la « dernière » de la dynastie) ; il compte même dans ses rangs des militants maghrébins. Mais d’une part cela ne prouve rien : qui peut savoir pourquoi un transfuge de la mouvance musulmane estime de son devoir, ou de son intérêt, de se rallier à un parti d’extrême droite, qui traîne derrière lui des cohortes de racistes, invétérés, avérés ? Et d’autre part, la xénophobie peut se manifester de façon allusive, voire négative ; croyez bien que les racistes de tout poil se reconnaissent parfaitement, sans la moindre ambiguïté, dans des slogans tels que : « La France au Français ! », Ou « La préférence nationale est un droit naturel ». Le Front National leur offre, ainsi, généreusement, la possibilité de se prévaloir impunément de leurs turpitudes ; d’autant plus que la droite classique croit devoir lui emboîter le pas, convaincue qu’elle est que les Français sont très majoritairement islamophobes ;.la gauche s’empressant, pour n’être pas totalement en reste (on ne sait jamais avec ces Français ; ils sont capables de se dire de gauche à seule fin de compenser un racisme irrépressible, et de s’autoriser ainsi à n’en pas rougir de honte), de donner à entendre qu’elle se préoccupe très sérieusement de contrôler l’immigration, parce qu’elle a conscience que c’est un problème objectif, qui préoccupe les Français.

Toutes les tendances politiques s’entendent, finalement, pour défendre l’idée que le rejet de l’autre, la xénophobie, l’hostilité à l’étranger, seraient des réflexes, des réactions instinctives, autrement dit, qu’il faudrait y voir des attitudes, et des comportements, dictés par mère nature ; c’est évidemment plus particulièrement la doctrine soutenue par les partis d’extrêmes droite, qui, par temps de crise économique, trouve un écho d’autant plus complaisant dans une large fraction de l’opinion publique, que l’immigration, i.e. la main d’œuvre potentielle, importée, peut, si on ne se donne pas la peine d’approfondir la question, passer pour concurrencer, de manière inéquitable, la main d’œuvre indigène… « De toute façon l’étranger a le tort d’être différent ! Et la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, il est paresseux ! »… l’étranger est, par définition, un profiteur.

Or si le racisme est bien un réflexe, il n’est pas pour autant naturel ; c’est un fait culturel ; contre lequel il est, donc, parfaitement inutile, infructueux, de lutter de front, au nom de quelque considération morale que ce soit. On se demande bien ce que la morale pourrait bien enseigner en l’occurrence, la morale n’étant certainement pas un corpus de principes indépendants de l’environnement culturel dans lequel il s’est construit. On ne pourra jamais désamorcer la xénophobie ; du moins, tant qu’on n’aura pas consenti à remettre en question l’idée que les hommes se font d’eux-mêmes ; tant qu’on n’aura pas su, ou voulu, dénoncer l’énorme mystification à laquelle s’adosse l’anthropologie qui a donné naissance à la culture occidentale, et à la morale qui en procède.

2) C’est un parti passéiste.

Il n’est pas anodin de constater que le Front National considère la patrie comme le paradigme indépassable du vivre ensemble ; il ne parvient pas à imaginer qu’une autre structure sociétale que la patrie, cette institution datée, et de surcroît récente, soit susceptible de promouvoir l’humanité qui est en l’homme ; son patriotisme, fervent, et probablement sincère (mais pourquoi devrait-on considérer aujourd’hui que c’est encore une qualité ?) l’amène, très légitimement, à défendre le principe de la nation, comme seule assise acceptable du pouvoir d’état. L’état nation présenté comme horizon politique ultime est un archaïsme manifeste, l’aveu d’une pauvreté doctrinale qui devrait ôter à ses défenseurs toute audience auprès de la jeunesse du pays. Or il n’en est apparemment rien, et ça n’est sûrement pas la moindre des surprises que réserve l’observation du comportement politique de la jeunesse de France, ou pour être plus précis, de l’absence de culture politique que ce comportement (qui se voudrait politique) trahit. Car la politique ne peut s’accommoder d’aucun préjugé ; elle n’est pas non plus une science ; elle ne connaît aucune vérité éternelle, ni même durable ; elle est l’art d’accommoder les règles du vivre ensemble pour tenir compte de l’évolution des conditions d’exercice de son humanité par l’homme ; elle doit évoluer avec le progrès des sciences ; avec le développement de la technologie ; avec l’essor de l’économie ; avec le cours des mœurs… pour le cas échéant les favoriser ; elle ne peut en aucune façon revendiquer le rang de discipline première, ni le pouvoir d’agir, pour en changer le cours, sur les conditions qui président à un moment donné, au progrès de l’humanité qui est en l’homme. Les partis d’extrême droite sont persuadés du contraire ; ils se considèrent comme autorisés à censurer les mœurs, à dicter les conduites sous couvert d’une morale qui se veut, et pour cause, universelle ; en un mot, ils croient devoir, et pouvoir (tragique naïveté que l’Europe a, au vingtième siècle, payée au prix fort) changer le monde… pour (ambition dérisoire !) le ramener sur d’anciennes positions dont ils ne perçoivent même pas qu’elles ne sont plus que des fondrières.

Mais qui donc, pouvant justifier d’un minimum de culture historique, et d’une dose infime de bon sens, pourrait encore souhaiter voir restaurer, dans son isolement orgueilleux, et, comme tel, désastreux, le pouvoir de l’état nation ? (A suivre)

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

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