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La maire de Lille est revenue sur le devant de la scène politique ; elle avait observé un silence respectueux pendant la première moitié du quinquennat de François Hollande ; elle demande maintenant que la politique du gouvernement soit infléchie dans un sens visant à limiter la rigueur budgétaire au stricte nécessaire et à relancer la croissance par la demande ; elle tient, en somme, le discours habituel de la gauche traditionnelle. Du coup elle apparaît, du fait de sa stature de « femme d’état », apparemment incontestée aussi bien à gauche qu’à droite, comme le fer de lance naturel de ceux qu’on a coutume, dans les médias, d’appeler, par abus de langage, les frondeurs.

Ne soyez cependant pas dupes, vous aurez compris que les marques de considération, et parfois même d’estime, qui lui sont abondamment prodiguées par les politiques de droite, visent, avant tout, à déstabiliser autant que possible le chef de l’état ; il s’agit là d’une stratégie, qui se veut très subtile, et qui prétend se substituer, avantageusement, au « Hollande bashing » brutal, bête et méchant, auquel la droite avait habitué le pays ; la trappe (le piège), trop grossièrement escamoté, reste bien visible aux yeux de tous, en tous cas de tous ceux qui veulent que la gauche s’installe durablement au pouvoir et qui ne risquent pas de se laisser abuser par les grosses ficelles de la droite.

On peut se demander quels sont les objectifs que s’est fixée madame Aubry. C’est un fait qu’elle fédère les réticents du parti socialiste, mais était-ce le seul but poursuivi ? Et, en tout état de cause, entend-elle réellement peser sur la politique définie par l’Elysée, et appliquée fidèlement par Matignon ? On peut en douter. L’ancienne ministre des affaires sociales du gouvernement Jospin ne peut pas ignorer que la France est aujourd’hui dans l’obligation absolue de donner des gages sérieux au marché financier ; qu’elle est tenue de réduire ses déficits publics ; qu’elle n’y parviendra qu’en réduisant d’une façon ou d’une autre les transferts sociaux ; que le chef de l’état et le gouvernement s’emploient à cette tâche ingrate, quoiqu’il leur en coûte, en s’efforçant d’éviter aux plus démunis d’avoir à partager les sacrifices qui s’imposent à la nation.

Tout conduit à penser que Martine Aubry s’efforce d’atteindre deux cibles.

La première consiste vraisemblablement à encadrer la contestation interne au parti socialiste et, plus largement, dans le même temps, celle qui secoue les autres composantes de la majorité (le Parti Radical de Gauche et les Ecologistes) ; Elle est donc devenue l’interlocutrice patentée du gouvernement ; fédératrice de l’agitation interne, elle peut la canaliser, et s’efforcer, vraisemblablement, de la rendre moins ostentatoire, plus conforme au minimum de discipline attendu de formations qui prétendent gouverner la France ensemble. Certains vont aussitôt rétorquer : « Vous voilà repartis sur le même sentier perdu qui, en 40 conduisit les rêveurs à s imaginer que le maréchal et De Gaulle étaient de connivence. » On ne peut pas l’exclure. Cependant, les qualités humaines incontestables de cette femme de caractère, son expérience politique, interdisent de lui prêter des intentions médiocres, de surcroît inconséquentes. N’allons pas jusqu’à imaginer que (encore que !) Manuel Valls et Martine Aubry auraient pu passer un accord autour du scénario ci-dessus décrit. Mais quels qu’aient pu être les motifs qui ont conduit madame Aubry à s’exprimer dans les médias avec le souci d’être entendue, on ne peut pas exclure, on peut même penser avec quelques chances très sérieuses de ne pas être dans l’erreur, qu’elle compte bien aussi apaiser les rapports entre les frondeurs et le pouvoir. C’est l’intérêt bien compris non seulement des socialistes mais aussi de toute la gauche… y compris de celle qui, aveuglée par une idéologie outrancière, est hors de mesure de le comprendre.

La primaire pour la prochaine présidentielle, qui doit en principe être organisée en 2016, constitue vraisemblablement la deuxième cible visée ; Martine Aubry se positionne donc à gauche dans cette perspective (ainsi va la politique) ; si l’hypothèse d’un accord, au moins tacite, passé entre le pouvoir en place et la maire de Lille devait s’avérer justifiée, on pourrait parier que l’accord a pu consister dans l’assurance donnée que la primaire serait organisée quelles que doivent être les circonstances du moment. Ce n’est pas invraisemblable et ça ne manquerait pas d’élégance. En tout cas voilà qui ressemble à la politique telle que le chef de l’état l’affectionne : on joue cartes sur table ; on n’esquive aucun défi (je dis bien défi ; il ne s’agit nullement d’une dérobade) dès lors que relever le défi permet d’avancer dans le sens souhaité.

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