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Si on veut bien faire l’effort d’aborder un tel sujet sans préjugés aucuns, on se doit d’admettre comme un fait indéniable que, dans le monde tel qu’il est, tous les êtres humains ne sont pas égaux du point de vue de leurs capacités intellectuelles.

Certains vont faire preuve de puissantes dispositions à l’analyse, d’autres à la synthèse ; un petit nombre seront capables de construire aussi bien des raisonnements déductifs qu’inductifs ; les uns et les autres, de tous ceux dont on peut convenir qu’ils font partie d’une élite, ont pour caractéristique de savoir s’intégrer facilement au monde tel qu’il est, d’en savoir pratiquer les codes, en un mot d’être au monde comme chez eux, et d’en tirer le meilleur parti ; ils sauront utiliser sans difficulté les procédures qui sont susceptibles de rendre ce monde complice de leurs ambitions ; s’ils sont particulièrement intelligents, i.e. s’ils ont pu pousser leur compréhension du monde aussi loin que les circonstances le permettent ; s’ils maîtrisent les mœurs en vigueur ; s’ils possèdent l’essentiel du savoir codifié de leur époque, ils peuvent même faire progresser le monde, contribuer à développer les possibilité qu’offre aux êtres humains sa pratique. En un mot être intelligent c’est se montrer capable de comprendre le système monde pour le rendre aussi productif que possible, pour son propre profit (pourquoi pas ?) mais aussi au profit de tous ou, en tout cas, du plus grand nombre.

Faut-il préciser qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que certains hommes comprennent parfaitement le système monde, attendu que celui est, ni plus ni moins, que la niche anthropomorphique que la communauté des hommes parvient à créer, à son insu, au sein de l’univers tel qu’il lui est donné ; le monde est une création démiurgique ; il ne s’est évidemment pas construit ex nihilo ; il procède de la présence de l’homme ; il est à sa mesure, et tout naturellement à son service. Ceux qui parviennent à en saisir toutes les arcannes peuvent évidemment se montrer capable de mettre en lumière des possibilités qu’il offre, qui sont restées jusque là clandestines.

On comprend bien que ceux qui disposent de capacités (acquises ou innées ; pour l’instant la question n’est pas en débat) leur permettant de percer tous les secrets du monde, d’en connaître tous les rouages ; ceux qui n’ignorent aucune des possibilités qu’il offre ; vont être tentés, compte tenu de l’idée la plus couramment partagée de ce en quoi peut bien consister l’humanité, au pire, de s’en approprier, à titre exclusif, les bénéfices ; au mieux de s’en rendre maître pour l’orienter à leur guise, parfois avec la meilleure des intentions, n’ayant d’autre objectif que l’amélioration de la condition de leur semblables ; trop souvent par orgueil, pour siéger au-dessus du commun, pour simplement se distinguer de la masse et exercer sur elle un pouvoir ; ou encore, tout simplement, par égoïsme, pour jouir de tous les privilèges auxquels permet de prétendre la possession du pouvoir. Dans tous les cas c’est ainsi que naît, de la simple appropriation du savoir, de l’intelligence d’un monde qu’il n’a même pas contribué à créer, le pouvoir de l’homme sur l’homme.

On le sait il y a d’autres moyens de prendre le pouvoir sur ses semblables : le premier d’entre eux, le plus ancien, c’est évidemment la violence ; est venue, ensuite, la possession, l’accumulation, de l’argent, c’est-à-dire d’un artefact, destiné en principe à faciliter la vie de tous les hommes, à rendre leur activité aussi productive que possible. Mais le mode le plus scandaleux d’appropriation d’un pouvoir de l’homme sur l’homme reste celui qui s’acquiert par la culture ; celui auquel la seule intelligence donne accès.

Alors on invoque le mérite ; il y aurait un mérite particulier à découvrir le monde dans son infinie subtilité ; un mérite qui conduirait tout naturellement à se voir gratifié d’un pouvoir sur sa pratique.

L’élitisme ; le type d’enseignement qui en est l’expression, visent à consacrer le mode de dévolution du pouvoir au mérite, comme on dit sans doute par euphémisme, comme si celui qui parvient à s’intégrer à un monde qui n’a plus aucun secret pour lui, avait nécessairement plus de mérite à le faire que celui qui n’est pas parvenu, peut-être parce qu’il n’en a pas eu les moyens, ou l’occasion, d’en pénétrer la complexité.

La méritocratie est le produit le plus délirant, le plus révoltant, d’une barbarie, aveugle, par définition, à ce en quoi peut, et doit, consister l’humanité… si elle prétend constituer le mode légitime de dévolution du pouvoir de l’homme sur l’homme. (A suivre)

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