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« L’ère du monde fini commence », affirmait, naguère, P. Valéry, voulant sans doute signifier qu’une nouvelle étape de l’évolution du l’humanité venait de débuter, à l’instar de ce qui s’était passé au quatrième/cinquième siècle avant Jésus-Christ, en Grèce, avec la naissance de la philosophie ; ou en quatre cent soixante-seize après Jésus-Christ, avec l’abdication de Romulus Augustule et la fin de l’empire romain d’Occident ; ou au treizième siècle de notre ère, avec la (les) dispute entre Bonaventure et Thomas d’Aquin qui s’est soldée par le triomphe de l’aristotélisme au détriment du platonisme et de l’augustinisme ; ou à la renaissance, avec l’émergence de l’humanisme…Il y a eu, en effet, des moments dans le cours de l’évolution de l’humanité où de brusques changements d’orientation se sont imposés ; à chaque fois des forces étaient à l’œuvre, depuis longtemps, dans la clandestinité, qui brutalement ont fini par l’emporter ; l’évolution du monde a alors changé de direction ; mais l’humanité n’a pas changé de monde pour autant.

Parce qu’il constatait que l’humanité avait fini par prendre possession de la planète dans sa totalité, P. Valéry a estimé qu’une nouvelle ère du monde venait de commencer. En fait, il n’en fut rien ; le monde poursuivit sa course sans changer de trajectoire ; ce qui est exact, en revanche, c’est que cet évènement rendit possible un processus accéléré d’uniformisation du monde, qui est encore en cours, et tout conduit à penser que cette uniformisation est un préalable à une unification du monde, qui, elle, serait, et vraisemblablement sera, le début d’une nouvelle ère pour l’humanité ; une fois de plus la marche du monde s’en trouvera infléchie… le monde n’en aura pas changé pour autant ; « le » monde dans lequel nous nous situons, dans lequel nous nous reconnaissons, ne peut pas changer ; en revanche on pourrait changer « de » monde, mais nous n’en sommes pas encore là ; nous ne sommes pas parvenus, collectivement, en humanité, au point d’où les rives d’un nouveau monde deviendraient enfin visibles et observables par tous.

A l’ère du monde fini, le développement rapide des moyens de communication aidant, les mœurs, les pratiques, les idées, se sont largement diffusées ; un même standard de vie a eu tendance à s’imposer à tous ; l’économie s’en est trouvée à son aise ; l’argent en a facilité le développement simultané sur l’ensemble de la planète ; la mondialisation est rapidement devenue une réalité avant même d’avoir été un objectif, voire même d’avant d’avoir été perçue comme réalisable ; la course au profit et la quête de productivité susceptible de rendre le profit possible, sont des moteurs puissants de progrès économique et social ; les lois de l’argent sont plus efficaces que la volonté raisonnée des hommes.

L’uniformisation des conditions des individus va inéluctablement engager l’humanité sur la voie de l’unité. De toute façon, les hommes ne supporteront pas longtemps que les lois de l’économie leur dictent leur comportement. Or seule la structure étatique est en mesure de redonner aux hommes la maîtrise immédiate de leur destin. L’économie n’ayant plus de frontières ; les avantages d’une économie qui déborde les frontières nationales étant désormais tellement manifestes ; on peut gager que l’état nation va, à brève échéance, perdre de sa superbe, et devra céder la place à des organisations internationales dont la vocation à devenir des états finira, rapidement, par s’imposer. L’Europe (l’Union Européenne) est l’avenir des nations européennes, et en particulier de la France ; ceux qui tentent, de toutes leurs forces, de s’opposer à la fédéralisation de l’Europe, en seront fatalement pour leurs frais ; l’ « Europe fédérale se fera d’elle-même », comme il advint de l’Italie, il y a tout juste un peu plus d’un siècle ; et c’est un bien pour l’humanité dont tout un chacun, pour peu qu’il ne soit, ni aveugle, ni sourd, ni fermé à un minimum de bon sens, devrait se réjouir.

L’ère du monde uniformisé est à deux doigts de triompher ; et voilà que l’ère du monde unifié s’annonce déjà… alors peut-être, dans l’unité, l’humanité consentira-t-elle à envisager de se donner les moyens (strictement culturels) de changer de monde.

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