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L’émigration vers Israël, leur terre sainte, tente un nombre croissant de juifs français. Ce phénomène est vécu avec amertume, et même douloureusement, par les Français non juifs, qui se regardent, en quelque sorte, et bien à tort d’ailleurs, comme trahis ; en tout cas rejetés, méprisés ou, pour le moins, mal-aimés ; peut-être y voient-ils, de surcroît, une sorte d’insulte faite à la France.

Ces juifs qui font l’alya fuient-ils le danger ?

C’est assez peu probable ; ou alors il faudrait admettre qu’ils sont mal-informés : l’insécurité est, à l’évidence, au moins aussi grande, et vraisemblablement plus grande, en Israël qu’en France. Non, en réalité, quitte à être en proie à la haine des autres, ils préfèrent partager le sort de ceux qu’ils considèrent comme étant des leurs ; i.e. d’autres juifs (pratiquant ou non) ; ils se sentent plus juifs que français. Pourquoi pas ? Libre à eux dans la mesure où, précisément, ils n’ont pas la prétention d’imposer leur hiérarchie des valeurs en France. Leur judéité passant avant leur nationalité ils ont raison d’opter pour la nationalité Israélienne qui va faire d’eux des citoyens d’un état confessionnel.

On aimerait que les musulmans français, ceux qui estiment que l’Islam devrait dicter la conduite de l’état, qui pensent que le droit public n’a d’autres racines que religieuses, comprennent, comme les juifs qui optent pour l’alya, que la laïcité française est incompatible avec une telle conception de l’état et, que si leur désir de vivre selon la loi islamique est irrésistible, ils se résolvent à l’émigration ; nombre d’entre eux bénéficiant d’une double nationalité pourraient être accueillis, sans difficulté, dans le pays de leur seconde nationalité.

A vrai dire, on comprendrait plus facilement qu’un musulman, convaincu que la charia constitue la seule loi acceptable du vivre ensemble, s’expatrie pour pouvoir aller vivre selon ses convictions, dans un pays où l’Islam est la religion d’état. Pour les juifs, s’ils sont pratiquants on ne sache pas que leur foi soit incompatible avec les lois de la république ; a fortiori, s’ils ne le sont pas ; on se perd alors en conjecture sur les raisons qui peuvent les pousser ces dreniers à quitter la France ; sinon qu’ils se considèrent effectivement comme des juifs et, à ce titre, différents de leurs semblables non juifs ; et tellement différents que toute coexistence leur paraît, soudain, inconcevable. Ne croyez-vous pas que derrière les raisons officielles, de recherche de sécurité, qu’avancent les juifs qui quittent la France, il y a une pulsion irrationnelle ; la volonté d’affirmer une identité… que la France ne leur conteste pas ; de sur-affirmer cette identité, probablement pour des raisons historiques ; quelque chose qui ressemblerait, par certains côtés, à la démarche de ces musulmans qui optent pour une pratique intégriste de leur religion.

Les uns et les autres, pour des raisons plus ou moins avouables, se sentent différents et entendent, les uns, les juifs, se regrouper à l’intérieur de frontières dont ils auront le contrôle et qui leur permettront d’affirmer leur particularité (supposée du moins), en l’occurrence leur nouvelle citoyenneté, les autres, les musulmans, imposer cette différence là où ils sont, contre la volonté largement majoritaire, quasi unanime, de leurs concitoyens. Il est bien évident que seuls les premiers font une démarche acceptable du point de vue de la France.

Ceci dit, comment comprendre qu’au vingt-et-unième siècle, alors qu’enfin les barrières nationales s’abaissent, que l’humanité se découvre en tant qu’espèce unique, certains musulmans ou juifs (ou fidèles de quelque autre religion que ce soit) s’évertuent à faire reconnaître que leur différence confessionnelle d’avec leurs semblables prévaut sur leur ressemblance en tant qu’individus d’une même espèce ?

Mesure-t-on la formidable régression institutionnelle, à l’échelle planétaire, que constitue la création d’un état confessionnel en plein vingtième siècle ? Comment des hommes sensés ont-ils pu considérer que la seule réponse aux persécutions dont ont eu (malheureusement) à souffrir les juifs consistait à les séparer de leurs semblables non juifs ? Songez, tout de même, que c’est très exactement celle à laquelle les dignitaires nazis avaient songé, avant d’opter pour la trop fameuse, la monstrueuse, « solution finale ». Sans compter que la création de l’état d’Israël ne contribue pas pour peu à conférer, en creux, une sorte de légitimité aux régimes théocratiques, d’inspiration musulmane, qui sévissent au Moyen-Orient.

Le vivre ensemble ne peut se construire solidement et durablement que sur des consensus larges, qui excluent toutes croyances singulières, qu’elles soient religieuses ou non, dès lors qu’elles sont irrationnelles (et le fait de se revendiquer comme juif non croyant semble bien en être une ; au même titre que le fait de vouloir tirer argument de la couleur de sa peau ou de son lieu de naissance).

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