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Que reste-t-il du somptueux édifice philosophique construit au dix-huitième siècle par Kant, dont l’œuvre maîtresse reste, et restera à jamais, sa géniale « Critique de la raison pure » ?

Précisons d’abord que pour pouvoir réellement apprécier la « Critique » ; pour en comprendre toutes les subtilités ; pénétrer les intentions de l’auteur ; ne pas se méprendre sur le sens et la portée des concepts qu’il utilise, il faut, impérativement, lire trois autres de ses ouvrages, plus faciles d’accès, et dont l’épaisseur est inversement proportionnelle à l’intensité de la lumière qu’ils jettent sur le contenu du traité lui-même ; ce sont des textes, certes fort modestes en taille, et de lecture plus aisée que celle de la « Critique », mais qu’il ne faudrait pas, pour autant, aborder comme on entre en relation avec un simple roman.

On citera en premier lieu les « Prolégomènes à toute métaphysique future » ; ce petit ouvrage prétend fournir les éclaircissements nécessaires à une bonne compréhension de la « Critique de la raison pure » : Kant a jugé indispensable d’aider ses contemporains à pénétrer dans les arcanes de la « Critique » ; laquelle, probablement faute d’être entendue clairement, ne soulevait pas l’intérêt légitimement attendu d’un ouvrage qui prétendait, après les attaques, virulentes et destructrices, de David Hume, contre la métaphysique, restaurer les droits légitimes de cette dernière, tout en délimitant minutieusement son domaine, et en amputant sévèrement ses ambitions.

On consultera encore, avec profit, un texte de la main de Kant, intitulé : « Les progrès de la métaphysique, en Allemagne, depuis Leibniz et Wolf » ; rédigé en réponse à une question mise au concours pour l’année 1791 par l’Académie de Berlin, il s’agit d’un ouvrage inachevé ; son auteur qui avait entrepris la réalisation de plusieurs projets sur le sujet proposé par l’Académie, dont on sait qu’ils comportaient quelques variantes, et dont les manuscrits originaux sont introuvables, renonça finalement à concourir. Un texte reconstitué en a été publié après la mort de Kant ; on en peut trouver une traduction dans une édition de la librairie philosophique J. Vrin.

On devra enfin se reporter à l’ouvrage que Kant a intitulé, tout simplement, « Logique » ; qui n’est pas le moins riche d’enseignement pour une bonne compréhension de la philosophie critique.

On le sait, la « Critique de la raison pure » a pour sujet la connaissance : en quoi consiste-t-elle ? Permet-elle d’appréhender la réalité ? Quelle vérité délivre-t-elle ? Plus particulièrement la « critique » vise à déterminer s’il peut exister une connaissance pure, et donc a priori, de l’entendement et de la raison ; pour le dire autrement, elle demande, très précisément, si, hors le concours de l’intuition, la raison est en mesure de conduire à une connaissance certaine : quel crédit accorder à la spéculation ? Et notamment que valent les hautes spéculations construites par les théologiens ? 

Kant admet l’existence de connaissances pures ; elles habitent l’être humain, bien qu’on ne sache pas très bien comment elles lui viennent à l’esprit ; pour ce qui concerne l’entendement (l’entendement étant cette partie de l’intelligence qui a pour vocation la compréhension du monde), les concepts des connaissances pures qu’il propose sont en rapport avec l’expérience et peuvent donc être vérifiés ; la raison, prolixe en concepts purs, non tributaires de l’intuitions, reste, quant à elle, sans aucun contrôle possible ; délivrées de tout contact avec le réel, les idées construites par la raison sont forcément passibles d’erreurs.

Ce résumé trop bref ne trahit pas la pensée de Kant même si elle est évidemment loin dans d’en fournir toutes les subtilités ; il n’a ici d’autre prétention que d’attirer l’attention sur le fait que Kant, élève de Wolff, formé à la métaphysique scolastique et convaincu de l’existence de Dieu ; persuadé que la création est tributaire d’une finalité ; dont l’empreinte est inscrite en chaque homme sous la forme d’un irrépressible appétit pour le bien ; ne se résigne pas à rompre totalement avec la métaphysique dogmatique et mobilise toute son intelligence pour démontrer l’existence en l’homme de concepts a priori ; tout laisse penser qu’il considère que ces concepts font partie intégrante du projet divin ; qu’ils en sont en quelque sorte l’expression offerte aux hommes pour qu’ils en usent en  vue d’une meilleure compréhension du monde et pour coopérer à sa finalité.

Aujourd’hui tout un chacun convient que, sans contact avec le réel, et sans recours à l’expérience, l’intelligence est improductive ; on ne se hasarderait plus à distinguer de façon catégorique, comme le faisait Kant, l’entendement et la raison : ces deux propriétés, apparemment distinctes, de l’esprit humain, ne sont en réalité que deux aspects d’une seule et même faculté à l’aide de laquelle le cerveau est à même d’appréhender le divers du réel pour en abstraire la cohérence d’un monde ;.on peut, en outre, élever de sérieux doute quant à l’aptitude du cerveau humain à produire, de lui-même, des concepts purs… en somme de la « Critique », quelle que soit la beauté de ce texte, il ne reste plus grand-chose si non qu’il a fait prendre un virage à 180 degrés à la réflexion sur ce qu’il faut entendre par objectivité : depuis la « Critique » on sait que la réponse est à chercher, non pas du côté de l’objet mais du côté du sujet.

       

 

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