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Cette chose, qu’on appelle l’Histoire des hommes, avec un grand « H », porte-t-elle la marque d’une évolution, d’un progrès de l’espèce humaine ? s’inscrit-elle, en conséquence dans le temps ? Dans un temps réel ? Ou bien doit-on considérer qu’elle ne fait que redire, à l’infini, de quoi est capable l’inaltérable condition humaine ? Le temps de l’histoire n’est-il qu’un artifice « transcendantal », au sens kantien, sans réalité chronologique ?

La réponse proposée ici restera ambigüe. L’Histoire qu’on enseigne dans les établissements scolaires, cette chronique du quotidien des grands de ce monde, de leurs bassesses et de leurs faits héroïques, de leurs actions petites ou grandes, dont on suppose, sans en avoir la certitude, et tout en en doutant chaque jour un peu plus, qu’elles agissent sur le cours du monde, Cette histoire de faits et gestes, voire parfois simplement de paroles ; dont on s’efforce de faire un récit ; et certains y parviennent en mythifiant (voir Malet et Isaac) les personnages, dits historiques, qu’ils décrivent et les évènements auxquels ces derniers se trouvent mêlés, le plus souvent par accident ; ce récit ne nous apprend rien sur nous-mêmes ; ne fait état d’aucun progrès : « eadem, sed aliter » ; ce pourrait être un conte pour enfants de grand méchant loup déguisé en être humain ; c’est en réalité l’éternel recommencement des horreurs et des outrances qui affligent, de façon monotone, depuis des millénaires, l’espèce animale ; laquelle, dit-on, aurait vocation à accéder à l’humanité… prétendre qu’une histoire des hommes, marquée par leurs faits et gestes publics, s’est inscrite de manière lisible dans leurs institutions et dans les évolutions qu’ont connues ces dernières, est proprement un abus de langage ; ce qu’on appelle traditionnellement l’Histoire n’est que la longue et monotone complainte, le gémissement déchirant, d’une humanité crucifiée.

En revanche si on se donne la peine de regarder sous l’écume des jours ; au plus profond des cœurs ; là où chacun perçoit l’écho assourdi des évènements et où, secrètement, clandestinement, inconsciemment, se construit l’idée d’un monde tout autre que celui qui l’assaille et l’agresse continuellement ; en somme, si on regarde loin de tout ce qui est censé faire l’Histoire ; alors on découvre les traces de mouvements profonds, extrêmement lents, mais d’une puissance inouïe ; là s’exécute, à l’instar de la tectonique des plaques qui agite puissamment la croûte terrestre, un mouvement de surgissement, constamment contrarié par des intérêts contradictoires, des habitudes tyranniques, des traditions lénifiantes, d’une ébauche d’humanité réelle qui prend successivement le nom de : tolérance de la pensée d’autrui ; acceptation des différences ; haine de la violence ; désir de paix ; refus total de la guerre ; rejet de toutes les formes d’égoïsme ; solidarité ; égalité réelle ;lutte contre les discriminations quelles qu’elles soient… Et tous ces concepts, riches d’humanité, sont comme les indices qu’une histoire, avec un petit « h », une histoire occulte, est en train de s’écrire ; l’histoire de la montée en puissance du cortex cérébral humain, de la conscience qu’il organise et qu’il sert, et dont on sait bien qu’elle n’est rien d’autre que l’image du monde ; mais qui est, en l’occurrence, l’image de ce qui dans le monde est brimé, occulté, désavoué, bafoué, mais qui est présent chaque jour avec plus de force.

Peut-être, direz-vous : vous êtes en train de nous raconter la sempiternelle histoire (avec un petit « h ») du perpétuel affrontement du bien et du mal.

A coup sûr non si, par là, vous voulez faire entendre que l’homme serait tiraillé entre le bien et le mal ; qu’il est dans sa nature d’être le siège d’un conflit entre les forces antagonistes du bien et du mal. Regardez attentivement le monde dans lequel vous vivez et celui, sous-terrain, dont vous devinez l’existence ; vous constaterez que les hommes qui sont susceptibles d’habiter le second de ces mondes ne peuvent pas être les mêmes que ceux qui vivent dans le premier ; vous conviendrez que vous-même qui soupçonnez la possible existence d’un autre monde que celui dans lequel vous vous découvrez plongé, n’imaginez pas que l’homme que vous croyez être soit destiné à y prendre pied ; et vous avez parfaitement raison. Mais d’où vient que vous êtes ainsi fait qu’un monde où règnerait la paix vous paraît être chimérique et inaccessible à l’espèce à laquelle vous appartenez ?

Le monde, toujours déjà là, dans lequel les hommes ouvrent leurs yeux à la naissance, leur échappe : il n’est pas leur fait ; il n’est pas plus le fait des hommes qui les ont précédés et qui, comme eux, ont été comme jetés dans un monde déjà là pour les accueillir. Une évidence, penserez-vous ; certes, mais quand consentirons-nous à tenter de dévoiler ce qu’elle cache.

D’où vient ce monde qui s’offre aux hommes ? Qui a toutes les apparences d’un donné ; dont tout le monde constate qu’il est à la mesure de l’homme, et finit par admettre, sans forcément comprendre comment cela est possible, qu’il tient à l’existence des hommes, qu’il en procède forcément. La réponse à cette question est évidemment fondamentale.

Le monde est-il ce qu’il peut et doit être ? Ne peut-il être que ce qu’il est ? Les hommes n’ont-ils aucune prise sur son être ?

En réalité on peut enfin commencer à réaliser que le monde est conforme à ce que les hommes imaginent qu’ils sont. L’idée qu’ils ont d’eux-mêmes imprègne toutes leurs pensées, toutes leurs attitudes, tous leurs actes ; partant, elle est la semence de leurs mœurs, de leurs institutions… de leur culture et de la civilisation dont cette dernière procède. Or examinez de quoi est faite l’anthropologie philosophique courante (je veux dire celle qui a cours encore aujourd’hui), celle qui par le truchement du judéo-christianisme (pour ce qui concerne l’Occident), rejoint les préceptes que l’antiquité grecque a puisés directement dans les mythes primordiaux, conçus au cours de la préhistoire, et véhiculés jusqu’à nous par les premières œuvres écrites ; celles d’Hésiode et d’Homère.

On peut dès lors comprendre pourquoi on constate l’existence simultanée de deux mondes : un monde visible, officiel, structuré par des institutions et un droit, celui qu’on appelle « le » monde ; et un monde occulte, considéré comme chimérique… c’est que les hommes se sont mis à douter de la pertinence de l’idée qu’ils se faisaient d’eux-mêmes ; y voir l’expression du mal et du bien c’est commettre une erreur radicale ; il s’agit de deux mondes différents, répondant à des principes contradictoires ; un seul de ces deux mondes est conforme à la réalité… et c’est précisément celui qui pour l’instant végète dans la clandestinité.

La petite histoire de la montée en puissance du cerveau humain se termine ; l’Histoire (avec un grand « H ») de l’Humanité va pouvoir commencer.

   

 

              

 

 

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