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La science a fait à peu près autant de progrès dans la connaissance de ce qu’est la conscience, de ce que sont les phénomènes neurophysiologiques, et plus précisément électrochimiques, qui la conditionnent ; mais aussi de ce qui en détermine la genèse ; ou son mode d’élaboration… qu’elle en a comptabilisé concernant la connaissance de la matière ou de l’univers en général… c’est dire qu’elle en est aux premiers balbutiements ; tout juste descriptifs ; pas même analytiques, et évidemment encore moins synthétiques. Ce qui a été fait en l’occurrence n’en a pas moins d’importance pour autant ; même s’il reste de très nombreuses obscurités.

Il en est ainsi de la question de savoir si la conscience est ou non autoreprésentationnelle.

En simplifiant beaucoup, on peut dire que la question ainsi posée demande si la conscience, toute la conscience, est dans la représentation immédiate, directe ; ou si elle est le fruit d’une médiatisation ; le cas échéant, d’une conscience de conscience de la représentation primaire. Trois réponses possibles : la conscience est immédiate ; on imagine alors que la conscience phénoménale se suffit à elle-même : dans ce cas la conscience est toujours, et exclusivement, conscience de l’objet (externe ou interne) tel qu’il se présente ; cette réponse ne rend probablement pas un compte exact du phénomène de conscience, manifestement plus complexe qu’une simple intuition d’objet ou qu’une simple réflexion objectivée. Une seconde réponse consiste à dire que la « conscience de » n’est qu’une simple représentation, à caractère phénoménal, et qu’elle ne devient l’occasion d’une prise de conscience, au sens plein ou noble du terme, que si elle s’accompagne d’une intentionnalité, de la conscience de cette conscience d’objet, c’est-à-dire d’un processus qui débouche sur une connaissance d’objet (connaissance qui par définition ne peut que s’appuyer sur un phénomène, et non pas, bien évidemment, sur l’objet en soi). Une troisième réponse prend acte de ce que la conscience pleine est forcément une connaissance, ou un constat d’ignorance, mais stipule que les deux processus, intuitif et cognitif, se développent simultanément pour aboutir à une représentation primaire, unique, qui cette fois se suffit à elle-même parce qu’elle est automatiquement, et simultanément, porteuse de sens.

Quels sont les enjeux philosophiques de ces problématiques ?

La première chicane porte sur le point de savoir si un regard naïf peut être porté sur le monde ? Peut-on voir sans comprendre (des objets, qui peuvent aussi bien être des idées ; par exemple, est-il possible de lire sans comprendre le texte de cette lecture ? Entendre un discours sans en comprendre le propos ?). Autre formulation de la même question : le premier regard que porte sur le monde l’enfant en bas âge, qui n’a pas encore l’usage de la parole, laisse-t-il une trace en mémoire, susceptible d’être réactivée ? Il n’est pas nécessaire d’avoir fait de longues études de philosophie pour comprendre que ce fameux regard naïf ne voit rien ; il est aveugle ; il se trouve confronté au chaos, pour le petit d’homme dans la prime enfance ; à la confusion pour qui est en mesure d’entendre (au sens de comprendre) ce qui s’offre à lui, mais n’y prête pas attention. Les perceptions de l’un et de l’autre n’en sont pas moins des représentations ; lesquelles s’offrent à leur conscience ; une conscience qu’on pourrait, en première approximation, imaginer comme présente mais simplement disponible et non active, en puissance comme l’aurait considérée Aristote.

Cette première question est grosse de la seconde qui demande où se situerait, et en quoi pourrait bien consister la conscience dans la mesure où il faudrait effectivement admettre l’existence de représentations hors conscience… qui ne passent pas totalement inaperçues à… j’allais écrire à la conscience du sujet. En effet les représentations dites non conscientes dans l’hypothèse ici examinées, ne le sont pas totalement ; elles sont évanescentes, confuses, mais elles ont une existence dont le sujet a… conscience. Faut-il admettre alors qu’il existe deux sortes de conscience ?

Faut-il comprendre qu’il existerait deux niveaux de conscience, chacun susceptible de traiter une même représentation ? Ce qui peut se compliquer d’une seconde question : la conscience donnerait-t-elle au sujet la capacité de traiter simultanément plusieurs sujets ?

Sans aucun doute, vous commencez à entrevoir que, d’une certaine façon, la fameuse idée d’un théâtre de la conscience, chère aux philosophes du dix-septième siècle, pourrait bien recommencer à prendre quelque vigueur.

A moins qu’il faille tout simplement faire intervenir une faculté difficile à définir, qui probablement conditionne tout le fonctionnement du cerveau, et qui, plus particulièrement, module le niveau de conscience, un peu à la façon d’un zoom, un peu comme l’œil accommode la vision… cette faculté est évidemment l’attention. Comment expliquer l’attention ? Quel est le mode de fonctionnement de ce processus qui permet à une représentation de prendre du relief, de s’étoffer de l’apparition de détails passés inaperçus dans le premier temps de sa constitution ? On ne peut qu’émettre des hypothèses à ce sujet.

Ne pourrait-on partir du principe que, entre le système nerveux central, qui traite une information, laquelle a probablement été, au préalable, mise ne forme, et les réseaux de neurones périphériques, qui recueillent l’écho des stimuli enregistrés par les sens externe/interne, et auraient donc en charge de lui donner la forme propice à sa prise en compte dans le cadre d’une représentation, il existe un seuil de contrôle, une sorte de potentiomètre, qui décide du sort qu’il convient d’accorder à cette information prétraitée ; trois possibilités pouvant être alors envisagées :

  • Le cerveau est à l’état de sommeil, l’information ne sera transmise au cortex supérieur pour constituer une représentation destinée à devenir consciente que si l’excitation du réseau de neurones associés franchit un seuil d’intensité déterminé ; ce qui va provoquer la naissance d’un épisode onirique, savoir d’un niveau de conscience tronqué, mal documenté, les autres sens restant provisoirement muets ; à moins que l’intensité du message reçu par le sens qui a subi l’excitation n’enclenche une procédure de réveil, et provoque donc le passage à l’état pleinement conscient ; auquel cas le sujet parviendra à une claire conscience de son rêve, i.e. de l’état de conscience partielle qui a immédiatement précédé son réveil ;
  • Le cerveau est à l’état de veille, une veille inattentive : il enregistre des représentations à peine esquissées ; conformes aux informations sommaires que ses sens à l’état d’éveil lui communiquent ; ces représentations ne comportent aucun détail marquant… le sujet a l’esprit libre ; mais il est conscient ;
  • Le cerveau est à l’état de veille, une veille qui devient attentive soit parce que le sujet le décide, soit parce que son attention est mobilisée par la survenance d’un évènement externe ou interne ; les représentations que son cerveau traitent s’enrichissent de détails précis ; sa conscience semble s’être aiguisée.

              Comment expliquer ces trois niveaux de conscience manifestement différents ?

              L’hypothèse la plus vraisemblable, pour ne pas dire évidente, qu’il convient de poser requiert qu’on admette qu’il s’agit toujours de la même conscience : le cerveau est un organe qui a pour fonction exclusive de mettre à la disposition du sujet, à l’état d’éveil, une conscience permanente de l’état de son environnement, et de son for interne, sous forme de représentations, directement documentées par ses sens externes/interne ; médiatement, plus ou moins enrichies de tout ce qui a pu être mémorisé de son vécu ; et que les circonstances, ou sa volonté, éveillant son attention, réactivent.

               Le miracle tient à ce que le sujet puisse volontairement explorer sa mémoire ; c’est en quoi d’ailleurs tient tout ce qu’il croit être sa liberté.

                En conclusion, il n’y a qu’une sorte de représentation et la conscience est entièrement déterminée par elle, et exclusivement par elle. Une représentation n’est jamais constituée par une information recueillie à l’état brut, externe au cerveau ; elle est toujours nécessairement enrichie, ou mise en forme, par le cerveau qui puise dans le capital d’informations qu’il a mémorisées ce qui lui permettra d’en dégager le sens ; un sens qu’il faut donc regarder comme très étroitement approprié à la faculté de comprendre du sujet ; comme devant, soit être reconnue par lui, soit pouvoir être calibrée pour s’incorporer à son monde ;  pour faire monde à ses yeux.

                  Une représentation ne peut gagner en précision, en relief, en couleur, que de ce que le cerveau s’avère être en mesure de puiser dans sa mémoire ; elle sera d’autant plus riche que le concours du capital mémorisé sera plus large. L’attention est le processus grâce auquel le sujet a la possibilité d’étoffer l’arborescence des neurones mobilisés par la représentation dont son cerveau est le siège ; il faut admettre qu’il a le pouvoir d’exciter des zones mémoire, de les rendre actives et de les faire participer à l’arborescence qui supporte la représentation. La seule et unique question devient alors : quel algorithme peut-il rendre compte de cette recherche ? Les animaux n’étant manifestement pas privés de ce pouvoir force est d’admettre que la recherche en mémoire se fait en explorant le contenu de la représentation jugée trop imprécise à l’aide des informations communiquées par les sens : quelles arborescences, encore en sommeil dans la mémoire non active, sont-elles réactivées par un parfum, un son…etc. ? En cas d’égalité entre une sensation présente et une sensation prise en charge par une arborescence neuronale correspondant à un évènement passé mémorisable, cette arborescence est réactivée et connectée à l’arborescence support de la représentation présente qui s’en trouve précisée, étoffée. Il est évident que chez l’homme le langage va contribuer puissamment au réveil du capital mémorisé.

                   La genèse d’une conscience pleine qui naîtrait d’une autoreprésentation de la conscience primaire ne semble pas totalement  incompatible avec le schémas sommairement décrit ci-dessus ; il est claire que l’état conscient est doué du pouvoir de s’autoanalyser.   

                    

                              

 

  

 

 

 

 

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