Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L’animal est conscient sans savoir qu’il l’est ; il en va de même pour l’être humain à sa naissance ; lequel ne deviendra conscient d’être conscient que quand il découvrira l’altérité du monde par rapport à lui-même, ou sa propre altérité par rapport au monde ; ce qui n’est pas exactement la même chose : dans le premier cas  il prendra connaissance de l’existence du monde, dans le second il réalisera que lui-même existe ; c’est cette conscience d’être, ou conscience de soi, qui intrigue ; qui est regardée comme proprement miraculeuse :  « Je sais que je suis, sans la moindre erreur possible ; c’est peut-être même la seule vérité à laquelle je puis accorder une valeur absolue ; la seule réalité que j’appréhende de l’intérieur ; avec laquelle j’ai un contact immédiat, sans intermédiaire », pense, et affirme, monsieur tout le monde ; en quoi il a tort, même s’il croit pouvoir se recommander de l’autorité de Descartes pour formuler une telle affirmation…

A sa conception, l’organisme du petit d’homme est équipé, comme l’est l’organisme de n’importe quel autre être vivant, d’un système réactif : c’est une machine, pour reprendre la terminologie de Descartes, conçue pour interagir avec son environnement ; dans lequel elle doit puiser son énergie pour fonctionner, s’animer ; adaptée à son milieu et en osmose avec lui ; programmée pour maintenir, et rétablir le cas échéant, un équilibre interne, optimum, entre tous les facteurs qui coopèrent en vue de son bon fonctionnement, tout en s’adaptant aux  ruptures d’équilibre de son environnement : depuis l’amibe jusqu’à l’homme tous les êtres vivants disposent d’un programme commandant leur rapports avec le milieu dans lequel ils vivent, constitué de réflexes (membrane rétractile ; battements de paupières…) et d’instincts (appétits, désirs sexuels… ) ; les uns et les autres sont des automatismes qui agissent sans que la conscience ne prennent le moindre part à leur fonctionnement ; du point de vue de ces réactions primaires, spontanées, on peut dire que l’animal, et l’homme en particulier, sont des automates programmés ; à proprement parler, des machines.

La conscience en revanche ne s’installe que progressivement ; en fonction des expériences vécues par le sujet, et des réactions métaboliques qu’elles ont provoquées dans son organisme ; la conscience, primaire ou animale, mais aussi la conscience humaine, sont le fruit d’une auto-programmation ; l’être d’une conscience échappe par définition à la volonté du sujet ; c’est un programme qui va canaliser, orienter, éventuellement freiner ou exacerber, sa volonté ; déterminer très précisément sa personnalité… un être humain n’est (si on peut ainsi s’exprimer) que ce que fait de lui sa conscience ; malgré qu’on en ait, force est d’admettre que c’est un automate dont la programmation se réalise d’elle-même sous l’effet des réactions métaboliques de son organisme, consécutives à son vis-à-vis avec  le monde, avec son environnement physique autant qu’humain ; le constater ce n’est en aucune façon appauvrir la richesse d’une conscience, ni réduire l’humanité à l’acquisition de simples mécanismes (mais il faudrait de bien plus amples développements pour le montrer).

En d’autres termes, le programme primordial que la nature, l’évolution, a inscrit dans le système neurovégétatif d’un être vivant (ses instincts et réflexes), n’est pas, à proprement parler, le seul artisan de la rédaction du programme constitutif d’une conscience ; celle-ci, la conscience, s’avérera n’être, ni plus ni moins, que le mode d’adaptation du sujet à son environnement compte tenu de ses capacités physiologiques ; et on peut dire que le programme primordial visé ci-dessus n’est que l’un des facteurs (le terme d’auteur ne conviendrait pas en l’occurrence) de cette auto-programmation dont les circonstances vécues (l’autre facteur) vont déterminer la polarité ; une conscience devient ce que les facultés physiologiques du sujet, confrontées à son environnement, lui permettent d’être… autant dire qu’une même constitution neurophysiologique plongée dans deux mondes différents produira deux consciences totalement singulières ; deux personnalités complètement différentes… et vice versa..

Dès lors la question revient à demander en quoi peut bien consister la différence, dont il faut convenir par ailleurs qu’elle est manifeste, qui justifierait que la conscience humaine doive être distinguée d’une simple (simple est évidemment un terme abusif) conscience animale. Il est clair que l’une et l’autre procèdent d’une auto-programmation ; mais il est non moins clair que l’animal n’est jamais confronté qu’à la nature, alors que l’homme se retrouve toujours déjà dans un monde dominé par la culture ; une culture qui lui est accessible grâce au langage. L’homme, dans son processus d’humanisation (l’homme n’est pas a priori un être humain) se trouve dans l’obligation de situer son rapport au monde sur deux registres ; en priorité, celui de la nature (l’homme est d’abord, chronologiquement et logiquement, un animal) ; il y est prédisposé par ses réflexes et ses instincts ; tous ses sens le portent à tisser un lien étroit avec son environnement tel qu’il l’intuitionne : c’est le registre des sensations ; mais également, celui du monde, ou de la nature anthropo-normée, qu’il découvre par le langage et l’abstraction ; c’est son environnement tel qu’il le perçoit, et qui lui ouvre le champ illimité de la réflexion. C’est au travers de ce second registre qu’il prend conscience que le monde est, et que lui-même est ; et cette conscience de soi n’est rien d’autre que la prise en compte, par le biais de ce processus d’abstraction duquel procède toute culture, du bouillonnement de ses instincts et de ses réflexes… Il commet alors, en général, l’erreur de croire qu’il touche à son être profond ; c’est à la fois partiellement vrai, mais essentiellement faux ; s’il veut bien se considérer comme un simple animal alors il n’a pas tout à fait tort (et encore) ; mais s’il revendique sa qualité d’être humain, il est ce qu’un autre programme que celui de la nature, qui a été inscrit dans ses gènes, a fait de lui ; il est ce que l’autorise à être sa conscience, c’est-à-dire un programme infiniment plus contraignant que celui dont l’a doté la nature, qui s’est enregistré en lui à son insu, et qui est un fait de culture.    

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :