Le Front National

Le ban, et l’arrière ban, de la classe médiatique bruissent d’interrogations, le plus souvent horrifiées, et de commentaires, toujours alambiqués, sur l’avenir de la droite politique française. Celle-ci est-elle, oui ou non, en passe de se laisser séduire par la rhétorique du Front National ? Séduire n’est, d’ailleurs, peut-être, pas le mot qui convient ; il serait, plutôt, semble-t-il, de circonstance de se demander si la droite, dite républicaine ou classique, va décider, collectivement, lors de son prochain congrès national, qu’il est de son intérêt bien compris, apprécié sur un plan strictement électoral, de reprendre à son compte les leitmotivs frontistes, ces thèmes caractéristiques d’une  propagande tellement désuètes, aux couleurs à peine rafraîchies, mais qui font encore mouche auprès de la frange la moins favorisée de la population ; ces refrains lancinants avec lesquels la famille Le Pen, berce les Français depuis plusieurs dizaines d’années, sans parvenir à vraiment les intéresser, encore moins les émouvoir. C’est que la crise (comme on dit) aidant, c’est au bas mot 15 pour cent du corps électoral français qui est en jeu. Alors, finalement, si, effectivement, comme nombreux sont ceux qui le pensent aujourd’hui, la droite est en passe de se « droitiser » (noter qu’elle a déjà bien commencé à le faire au cours du précédent quinquennat), de se durcir, d’aller chercher dans la boîte à malices des Le Pen, quelques outils de collectionneurs, quelques vieilleries en état de servir encore par ces temps de doute critique, d’incertitude, et d’angoisse pour grand nombre de Français, que pourra-t-elle y trouver ?

Et d’abord quels risques pour la France et les Français ?

Vraisemblablement aucun ; comme on l’a déjà dit, et redit, tout raidissement de la droite fera fuir de ses rangs ceux qui par naïveté s’y sont égarés (savoir ceux qu’on qualifie habituellement de déçus du socialisme, qui aspirent à ce que leur pays adopte une politique authentiquement de gauche, et qui se sont laissés convaincre que le Front National mettrait une telle politique en œuvre), et ceux qui ne s’y reconnaissent que sous la condition expresse d’une orientation politique, clairement, sociale et européenne (savoir, les anciens électeurs du courant démocrate chrétien en déshérence ; les gros bataillons centristes, toujours en mal de leader crédible et audible).

Quant au fond de commerce frontiste, en quoi consiste-t-il ? C’est un salmigondis de patriotisme, égoïste et étriqué, poussiéreux, vieux de plusieurs siècles, sans plus aucun avenir ; miroir aux alouettes agité avec complaisance par tous ceux qui comptent faire durement payer le coût exorbitant de la mondialisation par les peuples occidentaux (essentiellement leurs classes laborieuses) peureusement claquemurés dans leurs frontières nationales, trop étroites pour qu’ils puissent y organiser leur défense… de philosophie de l’ordre, l’ordre réputé naturel, en somme, l’ordre pour l’ordre, sans la justice, sans l’équité… de chasse organisée aux profiteurs, du moins ceux qui sont réputés tels, i.e. tous ceux qui ont du mal à s’intégrer à une société qui s’est construite sans qu’ils aient eu leur mot à dire … de protection de la propriété individuelle, comme si qui que se soit se préoccupait encore de la mettre en péril… de ségrégation envers tout ce qui ne correspond pas à une médiocrité moyenne… de rejet de l’étranger (qui vient manger le pain des Français)… Une idéologie désolante à notre époque ; celle qui convenait parfaitement au petit Français portant béret et sa baguette de pain sous le bras… Les Le Pen ? Quelque chose comme les Bidochons de la classe politique.

Ne vous méprenez pas, pour autant ; les niaiseries débiles que débite inlassablement la famille Le Pen peuvent abuser bien des Français dans la peine et le désarroi, et provoquer bien des troubles… même si elles ne sont pas de nature de ramener la droite au pouvoir.

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]