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Quand homo sapiens-sapiens eut commencé à prendre ses distances avec le reste du genre animal, il s’avisa (probablement fut-ce sa première prise de conscience purement réflexive) que la différence des sexes n’était pas sans effet sur la procréation, sur le don de la vie ; qu’elle avait, en somme, présidé à la création de l’univers voulu par les dieux ; il en conclut que cette différence, que les dieux eux-mêmes avaient souhaitée, qui s’avérait capitale pour la survie de l’espèce à laquelle il appartenait, ne pouvait pas être ignorée par lui ; qu’elle devait, nécessairement, prendre rang  parmi les distinctions les plus significatives qu’il convenait d’introduire au sein du monde des hommes, sa propre création : ainsi naquit le genre grammatical ; à moins que, dans la réalité, et c’est l’hypothèse la plus probable, le genre grammatical ne prit naissance, certes pour les raisons théoriques qui viennent d’être indiquées, mais sans que les auteurs de cette distinction générique, dont on ne dira jamais assez l’importance, qui allait directement déterminer la nature profonde de leur monde, en ait eu clairement conscience : à la distinction naturelle des sexes correspondrait une distinction conventionnelle, grammaticale, des genres ; laquelle aurait vocation à envahir la totalité du monde des hommes ; pas une chose ne devrait échapper à cette classification ; tout juste quelques cultures consentirent-elles à bien vouloir admettre que certaines choses ne relevaient, manifestement, pas d’une distinction entre genres masculin et féminin, et tolérèrent-elles l’existence d’un genre neutre, censé caractériser une chose qui ne serait ni plutôt féminine, ni plutôt masculine ; les Français quant à eux, avec l’esprit de système qui les caractérise, ne se rallièrent pas à cette position, jugée trop peu hardie ; pour eux tout était, ou masculin, ou féminin.

Voilà qu’aujourd’hui, bon nombre des attributs et caractéristiques, qu’on croyait attachés, spécifiquement, à l’un ou à l’autre des sexes ; croyance d’où procédait l’idée que le sexe serait le fondement naturel d’une distinction de grande ampleur, justifiant le recours à une classification générique susceptible de rendre compte, grâce au langage, de sa nécessaire présence active dans toutes les dimensions du monde des hommes…, voilà que ces attributs et caractéristiques, sur lesquels reposaient, en particulier, une certaine hiérarchisation de la société, sont désormais contestés.

Se dessine alors les contours d’une école de pensée, qui se croit d’avant garde, et propose de prendre acte de la non coïncidence entre la différence des sexes et celle des genres grammaticaux ; « Oublions », disent-ils, « l’origine naturelle de la distinction générique ; elle sera réputée n’être, à compter de ce jour, que conventionnelle, et donc malléable, parce que soumise à l’érosion du temps ».

Il faut, peut-être (certainement !?) répondre à ceux-là, comme, d’ailleurs, à ceux qui veulent, obstinément, continuer de rattacher genre et sexe, étroitement, l’un à l’autre, que l’évolution des mœurs montrant que la distinction des sexes n’a pas, en réalité, la portée que l’humanité naissante a cru devoir lui attribuer, la distinction grammaticale des genres n’a plus aucun fondement, et qu’il convient, donc, de la laisser dépérir, en lui opposant une totale indifférence ; ce qui, vous l’aurez noté, commence à se faire, subrepticement, à travers des expressions comme « madame la ministre… » par exemple, qui exprime, sans détour, l’idée que le mot de « ministre » ne saurait être du genre masculin, puisqu’il n’est plus l’apanage d’un sexe déterminé… ce mot devient neutre, en fait ; mais la langue française ne connaissant pas la neutralité, il change de genre suivant le sexe du titulaire.

Observons, une fois de plus, que les bases sur lesquelles continuent de fonctionner les civilisations actuelles, y compris, bien sûr, la civilisation occidentale, ont été forgées dans la préhistoire, et sont marquées, de façon, malheureusement, quasi indélébiles, par les erreurs de perspective de l’humanité à ses débuts sur sa propre nature, sur ce qu’est un être humain (Cf., à ce propos, un précédent article, du présent blog, sur le même sujet, intitulé « Sexe et genre », et mis en ligne le 11/09/2011).

 

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

 

    

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