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Si la France devait connaître deux trimestres consécutifs de stagnation (croissance zéro), ou, pire, de décroissance (ou croissance négative), ce serait, s’écrie-t-on de toutes parts, depuis le marigot des idées reçues, dans lequel pataugent, lamentablement, nos brillants économistes, jusqu’au sommet olympien de l’Etat, qui sait tout, et peut tout, en passant par les multiples et brillants, mais très discrets, clubs de réflexion de la gauche, une catastrophe qu’on sait nommer, la récession (l’horreur ! quoi) … encore faudrait-il expliquer, clairement, au peuple français, en quoi une croissance anémique, qui ne permet pas d’enrayer l’accroissement de l’endettement, ou une croissance plus soutenue, qui ne permettrait pas d’entamer un processus de remboursement de la dette, seraient moins dramatiques que la si terrible récession ? Qu’est-ce qui permet de faire une différence entre ces deux types de croissance et une récession ? En réalité, rien ; cette dernière avoue ce qu’elle est, alors que les deux types de croissance précitées ne font qu’escamoter la récession… au yeux de qui ne veut pas la voir. En cinq ans l’actuel hôte de l’Elysée, et son gouvernement, ont accru de cinq cents milliards d’euros la dette de l’Etat ; quand bien même, pendant ces cinq années, la croissance aurait-été, tous les ans, au rendez-vous, à un taux annuel moyen avoisinant deux et demi pour cent du PNB (ce qui est loin d’avoir été le cas), l’appauvrissement des Français se chiffrerait encore, pour cette période, à, environ, deux cent cinquante milliards d’euros. Superbe bilan ! Que se passerait-il maintenant si la croissance redémarrait, franchement, justement en se hissant à un taux au moins égal à deux et demi pour cent du PNB. Dans ce cas, ou bien cette embellie de l’économie serait due, aussi, à un rééquilibrage des échanges extérieurs de la France, la balance du commerce  extérieur devenant positive, ou pour le moins cessant s’être négative, et dans ce cas, une amélioration de la situation du pays pourrait être envisagée, avec un début de désendettement ; ou bien la croissance ne serait tirée que par la demande intérieure, et, dans ce cas, elle continuerait de n’être qu’un leurre, à l’instar de ce qu’elles fut au cours des trois décennies qui viennent de s’écouler, sauf pendant le gouvernement de Lionel Jospin (il serait bon que justice lui fût enfin rendue) ; l’état français continuerait de s’endetter, la dette de se renchérir, et l’appauvrissement des Français (de la plus grande partie d’entre eux) de s’accroître inexorablement. Quant à cette rigueur qui est, depuis quelques jours, mise en musique par une foule de personnalités, dont la plupart semblent être de bonne foi, mais sont manifestement incompétentes, et dont certaines sont, à coup sûr, compétentes, mais ne sont probablement pas de bonne foi, elle ne pourra constituer qu’un adjuvant aux deux scénarios précédents ; dans le premier cas elle contribuera efficacement à l’assainissement de l’économie, si elle est judicieusement dosée ; dans le second elle en activera la clarification, en accélérant et en rendant manifeste l’appauvrissement des plus faibles, seuls les plus riches conservant quelques chances de pouvoir tirer leur épingle du jeu.

Il faudrait aussi, tant qu’on y est, expliquer aux Français, pourquoi la croissance, quand par miracle elle consent à les gratifier de sa présence, n’est jamais, depuis des décennies, accompagnée d’un recul significatif du chômage (encore une fois, sauf sous le gouvernement Jospin) ? Eh bien, c’est tout simplement parce que les gains de productivité sont, en France, bien plus qu’ailleurs, confisqués par une minorité de privilégiés, toujours les mêmes.

Ainsi, ni la croissance, ni, a fortiori, la rigueur, ne sauraient être des fins en soi ; sans un rééquilibrage des échanges extérieurs de la France et sans un meilleur distribution de la fortune du pays entre le capital et le travail, aucun redressement de l’économie nationale n’est possible. Une croissance molle, associée une rigueur drastique, ne feraient que consolider le processus en cours de redéploiement de l’économie mondiale au détriment de la zone occidentale, qui, toutes choses égales par ailleurs, i.e. si rien n’est fait pour en corriger l’orientation, conduit la planète, à coup sûr à l’apocalypse économique (la dépendance des pays émergents au regard du marché occidental étant trop grande pour que l’effondrement de la demande dans les pays occidentaux ne se traduise pas immédiatement par un énorme marasme économique dans les pays en cours de développement rapide).

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

 

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