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Les quatorze livres qu’Aristote réunit en un seul ouvrage, sous le titre, vraisemblablement, à l’origine, de « Philosophie première », et que nous connaissons sous celui, désormais accepté par tous, de « Métaphysique » (terme, dérivé de l’expression grecque « Meta ta phusica » qui signifie littéralement « après les ouvrages de physique », et qui correspondrait à l’intitulé attribué aux quatorze livres dont il est ici question, par le premier éditeur d’Aristote, parce que ces écrits faisaient suite à l’ouvrage ayant pour titre « La physique ») est un traité, concis mais précis, dense et d’accès difficile, des thèmes que, depuis deux mille cinq cents ans, la philosophie traite, en les qualifiant, donc, de métaphysiques ; c'est-à-dire de questions qui transcendent la physique, de considérations qui débordent l’univers naturel, de propositions d’essences inobservables… en un mot d’explications de phénomènes physiques par le recours à des causes non physiques. N’allez pas imaginer que cette tentation d’expliquer le réel par l’irréel, le physique par le non physique, le naturel par le surnaturel, date de l’âge classique grec ; cette propension à proposer l’inexplicable, comme (pseudo) explication de l’inexpliqué, remonte bien au-delà ; elle est vraisemblablement née avec l’humanité elle-même.

Les grands mythes, dont nous recevons l’écho provenant de la préhistoire à travers, d’abord quatre ouvrages qu’on peut considérer comme les piliers de la civilisation occidentale, savoir « Les travaux et les jours » et la « Théogonie » d’Hésiode », et, surtout, « L’Iliade » et « L’Odyssée » d’Homère, constituaient, déjà, ni plus ni moins qu’une tentative d’explication du monde à partir d’arguments métaphysiques. Toute la mythologie, que ces quatre livres inspirèrent pendant le millier d’années qui suivit, entretint ce même mode de penser ; et force est de constater qu’Aristote qui s’en moquait (il en qualifiait les épisodes de contes pour enfant) n’a fait que la rationaliser sans en pervertir l’esprit.

Que dire des religions du Livre sinon qu’elles offrent, elles aussi, à la croyance de leurs fidèles, une explication métaphysique du monde ; du monde, aussi bien que de l’univers physique ; mais ce qui, ici, doit, plus particulièrement, attirer notre attention c’est que la métaphysique s’efforce de rendre compte du monde des hommes, et pas uniquement de la nature.

Faut-il en rire à l’instar du grand philosophe de l’antiquité tournant en dérision, comme on vient de le voir, la multitude de considérations purement poétiques, essentiellement psychologiques, vaguement inspirées des grands mythes, en quoi consistait déjà à son époque la mythologie ; et qui du temps de saint Augustin, dix siècles plus tard, allait atteindre au comble du ridicule, dégénérant en une incroyable prolifération d’anecdotes qui se voulaient, en général, édifiantes, et qui, dans la plupart des cas, tournaient à l’absurde et à l’invraisemblable ? Certainement non !

Et même, au contraire !

L’époque moderne place, plus que jamais, l’homme en présence de forces purement métaphysiques ; mais désormais ces forces, cette puissance, ne sont plus invoquées pour expliquer l’origine du monde physique ; c’est l’inverse qui se passe aujourd’hui : on cherche au cœur du monde physique l’origine des forces métaphysiques, au sens fort de ce terme, en voulant signifier par là que ces forces, dont on commence à ne plus douter qu’elle sont alimentées par le monde physique, ont le pouvoir d’agir sur le monde aussi bien physique, qu’immatériel, mais comme étant postérieures, chronologiquement, et logiquement, au monde physique, comme survenant après lui puis qu’elles en procèderaient, et rétroagissant sur lui, en même temps qu’elles donnent sa forme au monde purement humain.

La métaphysique ne s’enquière plus de l’origine du monde physique ; elle a réduit ses prétentions ; sa quête se résume à une appréhension, purement immanente, de l’essence du monde des hommes.

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

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