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Une réforme pénale ayant pour objectif de prévenir la récidive, et d’individualiser les peines, est souhaitée par tous ; malheureusement le désaccord est profond quant aux principes dont la mise en œuvre est jugée susceptible de conduire aux résultats attendus. En gros, si l’on en croit les commentaires des médias, et les déclarations de certains hommes politiques, il faudrait distinguer deux clans ; il y aurait ceux qui prôneraient le tout répressif et ceux qui entendraient privilégier une culture de l’excuse. Heureusement cette présentation du débat est excessivement simplificatrice ; dans la réalité, tout le monde convient de la nécessité de recourir simultanément à la répression et à la prévention ; les points de vue divergent essentiellement quant à la portée de la répression et à la nature de la prévention.

A gauche on aspire à la mise en œuvre d’une politique pénale qui favoriserait la réinsertion, tout en limitant le risque de récidive. On s’appuie sur des études qui semblent montrer que la prison est un facteur d’aggravation de ce risque et qu’elle compromet les chances des délinquants de s’amender grâce à une réinsertion, ou à une première insertion, sociale et professionnelle, réussie. On peut comprendre qu’on en vienne à penser que des prisons surchargées, qui entretiennent une promiscuité entre des délinquants d’habitude et des délinquants d’occasion, soient un facteur négatif au regard de telles ambitions, et que l’application de peines de substitution soit réclamé pour les primo délinquants coupables de délits mineurs, ou de délits de catégories déterminées.

A droite on veut bien admettre que la prison doit être humanisée, que, partant, il est nécessaire de construire de nouvelles prisons ; mais on croit avant tout au pouvoir dissuasif de la répression ; on fait sienne cette déclaration de Cesare Beccaria : « La certitude d’une punition, même modérée, fera toujours plus d’impression que la crainte d’une peine terrible si, à cette crainte se mêle l’espoir de l’impunité ».

Dans le fond les deux points de vue ne sont pas très éloignés l’un de l’autre. A vrai dire, la principale différence n’est pas là ; elle est dans l’idée que les uns et les autres se font de ce que peut bien être un homme.

A droite les hommes naissent bons ou mauvais ; ils ne sont guère amendables ; et les bons ont le droit inaliénable de se préserver des mauvais ; c’est aussi simple que ça ; c’est la philosophie que résume si bien cette formule exécrable : « Chassez le naturel, il revient au galop ! » ; l’homme dispose d’une nature, dont en réalité il est l’esclave, et si cette dernière est pernicieuse, la culture ne peut avoir d’autre objet que de la désarmer pour protéger les âmes bien nées. Pur manichéisme, pour esprits en proie à une grande fatigue intellectuelle, et dans l’incapacité de réfléchir aussi peu que ce soit.

A gauche on ne croit pas au déterminisme ; on pense que l’homme se construit au contact de la réalité ; on croit fermement que tout n’est pas enregistré dans ses gènes, que tout n’est pas décidé dès la naissance… de là à croire qu’il suffirait de câliner le délinquant pour le ramener à de meilleurs sentiments ??? Prétendre que la gauche préconise la calinothérapie comme solution à la récidive est évidemment grotesque ! Ceci dit, tant que la gauche n’osera pas se rallier clairement à une autre conception de l’homme que celle sur la base de laquelle l’humanité essaie de se construire depuis des millénaires, elle sera dans l’incapacité de convaincre nos contemporains que les solutions pénales qu’elle préconise sont fondées.

Le débat répression/prévention, sanction/réadaptation, est vain s’il ne s’appuie sur aucun principe solide, défendable, concernant la nature humaine. Le domaine pénal ne peut pas être livré aux préjugés, aux improvisations ; il ne peut trouver de solution que dans une révision radicale de l’anthropologie dominante. Qu’on puisse débattre du point de savoir si la sanction se suffit à elle-même, ou si elle ne doit être qu’un dernier recours, est la preuve que le flou le plus épais enveloppe la question de savoir ce qu’est un être humain ; or c’est à cette simple question : « qu’est-ce qu’un être humain ? » qu’il faudrait revenir avant de s’interroger sur le sort qu’il convient de réserver à ceux qui pensent pouvoir, ou devoir, s’émanciper de la loi commune.

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

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