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Les deux hauts fourneaux de Florange, qui défrayèrent la chronique en 2012, étaient les derniers survivants d’un imposant site sidérurgique installé en Moselle, le long des vallées de l’Orne et de la Fensch, et qui, à son apogée (seconde partie du vingtième siècle) avait compté plusieurs dizaines de hauts fourneaux, ainsi qu’une usine d’agglomération à Rombas, plusieurs aciéries (parmi lesquelles  l’aciérie à feu continu de Gandrange dont la fermeture fit grand bruit) et de très nombreuses autres usines métallurgiques (laminoirs, tels que trains à fil, trains à palplanches…etc.). Dans cette région, dévastée par la mondialisation, Florange, à l’instar du village gaulois d’Astérix défiant l’empire de Rome, a livré un baroud d’honneur contre le géant international de l’acier, Arcelor Mittal, propriétaire des hauts fourneaux de Florange (comme il l’avait été de l’aciérie de Gandrange), contraint, affirmait-il, de mettre en veilleuse provisoirement leur activité ; en fait, déterminé à les mettre définitivement hors service ; ce dont les syndicats concernés, ainsi que quiconque en France, et en particulier le gouvernement français, prirent conscience rapidement..

Aussi l’affrontement avec monsieur Mittal, dont les intentions ne faisaient plus aucun doute pour personne, se métamorphosa-t-il en un bras de fer entre les syndicats et le gouvernement français, ou plus exactement entre les syndicats, leur allié le ministère de l’économie, et la Présidence de la République ; syndicats et ministère (peut-être même pourrait-on dire, syndicats encouragés par le ministère, et avec son appui publiquement affirmé), réclamant la nationalisation du site promis à une fermeture certaine.

On le sait, les deux hauts fourneaux ont été désactivés ; il est hors de question qu’ils soient jamais rallumés ; François Hollande a choisi, contre l’avis, et la volonté, clairement affirmés de son ministre de l’économie, de ne pas les nationaliser ; ni partiellement, ni totalement mais à titre provisoire (qui aurait pu par la suite s’en porter acquéreur ?) ; il a préféré négocier avec leur propriétaire, en contrepartie de leur mise au rebut, un engagement, à la charge de ce dernier, de ne licencier personne, et d’investir lourdement sur le ban de Florange dans le traitement des aciers spéciaux. Quatre années ont passé ; les engagements ont été tenus ; c’est ainsi qu’un syndicaliste CGT (Alain Philippi, cheminot, dont les propos sont rapportés dans l’édition datée du 19 octobre du journal Le Monde) a pu déclarer, en forme d’épitaphe à graver sur la tombe de la sidérurgie de Florange : « Hollande peut dire qu’il a tenu ses promesses, pour nous c’est une blague. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas eu de suppressions de postes à Florange, mais ici, la sidérurgie est morte, il ne reste plus que la métallurgie ».

On ne peut trouver meilleur exemple, tout à fait symbolique, du débat qui divise la gauche française (comme vraisemblablement toutes les gauches du monde). La fraction qui se prétend à la gauche de la gauche se bat pour conserver intactes les situations acquises, même lorsqu’elles sont devenues obsolètes, et réclame que la solidarité nationale soit mobilisée au service du maintien des activités dont le rendement décroît et menace à court terme, au mieux, de tendre vers zéro, au pire, de devenir négatif. Faut-il admettre comme le prétendent les tenants de cette tactique, en particulier les militants de la CGT, qu’ils entendent faire prévaloir l’humain sur l’économique et la finance. Probablement sont-ils convaincus que leur combat sert les hommes contre ceux qui délibérément (à droite) privilégient le rendement du capital.

Il y a une tierce position qui consiste à accompagner les fermetures de sites de production, en veillant à ce que ces opérations se soldent par un progrès économique (à chaque fois que cela s’avère possible) ; parce qu’à terme ce progrès profitera à tous ; à charge pour l’état de veiller à ce que soient préservés les intérêts immédiats des salariés dont les emplois sont supprimés, en exigeant que l’employeur reclasse le personnel des sites productifs qu’il condamne et, de surcroît, investisse dans de nouvelles productions d’avenir ; tout en n’écartant pas la possibilité de faire jouer la solidarité nationale et de mettre à contribution les finances publiques, si nécessaire ;  car, en aucun cas, les salariés concernés ne doivent pâtir des soubresauts de la conjoncture économique plus que leurs autres concitoyens.

François Hollande a fait ce choix ; il l’assume, et à juste titre, tout particulièrement à Florange.

Ceux qui douteraient qu’à Florange ce soit une authentique politique de gauche qui a été pratiquée, devront se souvenir que l’usine de Gandrange, acquise pour le franc symbolique par Mittal (ce qui n’avait pas été le cas des hauts fourneaux de Florange), a été fermée sans autre contrepartie que le reclassement du personnel concerné.   

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