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D’éminents représentants des sciences cognitives tels que Edelman (neurosciences), ou Searle (philosophe du langage), refusent encore d’admettre que le fonctionnement du cerveau puisse être assimilé à celui d’un ordinateur ; ils n’ont probablement pas tort s’ils veulent signifier par-là que le processus biologique ne doit pas être réduit au mode d’agir de l’électronique ; en revanche ils se trompent s’ils n’acceptent pas l’idée que le  cerveau, l’organe neurophysiologique, le matériel, doit être strictement distingué du fonctionnel, du software ou logiciel. Les fonctionnalistes sont très vraisemblablement dans le vrai quand ils pensent qu’en effet, pour cette raison, on peut regarder le fonctionnement du cerveau comme analogue à celui d’un ordinateur.

Le fonctionnalisme postule en outre que le cerveau utilise des représentations qu’il traite comme les formules d’un langage interne ; formules que, pour l’instant du moins, nous ne saurions déchiffrer, mais dont on est invité à admettre qu’elles pourraient être traitées par une machine, par un artefact. ; ce qui conduirait à considérer le raisonnement comme un calcul, à l’image de ce qui se passe dans les systèmes experts. On voit que les fonctionnalistes décrivent ainsi une intelligence étroitement canalisée ; incapable d’inventivité ; ce qui n’est pas acceptable ; mais qui n’impose pas pour autant de rejeter en bloc toute interprétation computationnelle de l’intelligence, sous réserve de débusquer un processus susceptible de réintroduire dans l’acte conduisant à l’intelligibilité la prise en compte du sens. C’est là qu’intervient le connexionnisme ; lequel (soit dit en simplifiant à l’extrême) par(ce qu’il complexifie le mode d’agir du cerveau, en postulant l’existence de réseaux neuronaux interconnectés, opérant en parallèle, échangeant les résultats de leurs… calculs, pense avoir réintroduit la quête de sens, dont seraient démunis les calculateurs électroniques, et que les fonctionnalistes auraient négligée dans leur théorie du cerveau computationnel.

Essayons de poser le problème dans des termes nouveaux : la pensée ne se développe certainement pas comme un programme pré-écrit, linéaire, d’instructions à exécuter et devant conduire à la décision d’agir ou de choisir ; restons néanmoins sur l’idée que le cerveau, qui a pour mission de déterminer le sujet à agir ou à fuir, fonctionne sous la conduite d’un programme qui s’est enregistré de lui-même, en fonction des dispositions métaboliques du sujet, de ses humeurs, de son système hormonale, et donc de sa sensibilité, de son émotivité, au contact du monde (donc aussi d’autrui), i.e. des circonstances vécues. Ce programme n’impose pas de conduite prédéterminée, mais il a vocation d’assortir à tout évènement vécu par le sujet une tonalité d’accueil propre à ce dernier ; c’est ce programme, fait d’enregistrements d’évènements passés, et qui ont conservé la faculté de réactiver le niveau d’émotivité qu’ils ont éveillée quand ils ont été vécus, qui donne son sens au monde du sujet. Les psychanalystes y voient l’œuvre du subconscient ; il s’agit en réalité du processus normal de construction de la perception ; lequel puise spontanément dans le capital du vécu la signification de tout objet ou évènement qu’il reconnaît ; ce n’est pas la mémoire proprement dite mais c’est le substrat qui permet de l’activer, volontairement ou accidentellement.

Toute représentation se construit grâce à l’apport de ce capital enregistré, qui fait donc office de programme et qui peut s’avérer incontournable selon le niveau d’intensité qui a accompagné le vécu initial. Le cerveau du sujet est porteur d’un monde dont la logique lui est spécifique, qui le guide, l’oriente, dans la réalité vécue quotidiennement, lui fournit a priori la signification de tout ce qui meuble, ou modifie son environnement. Peut-on affirmer que tout sujet (prétendu tel) est prisonnier de son monde ? La réponse s’impose : c’est dans le contenu de son cerveau, dans le logiciel qui l’habite (et non pas dans celui du voisin), que le prétendu sujet va puiser les moyens de résoudre les problèmes qui se présentent à lui. Oui il est donc prisonnier de son monde, de son passé, du mode de fonctionnement du cerveau qui fait de lui un automate auto-programmé.

Dès lors, la question primordiale n’est pas de savoir comment ce programme s’enregistre dans le cerveau, les synapses, les nœuds, les réseaux de neurones, mais de déterminer suivant quelle logique, et avec quelle force, il s’impose au sujet. Il y a probablement de l’aléatoire dans le comportement des individus ; mais dans quelle proportion intervient-il ? Son rôle est probablement très marginal.

 En foi de quoi le problème revient à déterminer, en quoi peut donc bien consister la responsabilité individuelle ; et si la notion de culpabilité a encore un sens. On est loin des préoccupations des fonctionnalistes et autres connexinnistes.            

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