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Vous conviendrez que parvenu, avec une forte probabilité de n’être pas dans l’erreur, à la conclusion qu’il est ce que, à proprement parler, fait de lui sa conscience ; parce que cette dernière ne peut qu’être regardée que comme un programme, certes plus ou moins large de perspective, mais qui s’impose à lui, qu’il le veuille ou non ; programme, articulé autour de caractéristiques physiologiques innées, mais déterminé par l’environnement, au sens le plus large de ce terme, dans lequel il a beigné dès sa naissance et peut-être faudrait-il même remonter plus avant, jusque dans la période de gestation : par les êtres avec qui le hasard l’a mis en contact et par les circonstances auxquelles il aura été confronté… parvenu à « la prise de conscience » que la conscience n’est rien d’autre qu’une auto-programmation, et que l’humanité est un automatisme auto-programmé… automatisme qui a toutefois le pouvoir inouï de se découvrir, de se savoir tel… de pouvoir déceler, pour peu qu’il en ait été prévenu, et qu’il veuille bien se donner la peine de se libérer des apparences, les  forces occultes qui le tiennent sous leur contrainte… vous conviendrez que, pour lui, l’être humain, la seule question, qui vaille d’être posée, demande :

Qu’a-t-on fait de moi ? Puis-je, dois-je, m’accepter tel quel ? que puis-je faire, non pas pour redevenir moi-même, puisque cet être supposé n’a jamais existé, mais pour devenir autre que ce que je suis devenu ? S’il y a une possibilité de changer d’identité, ce qui reste à démontrer.

Et d’abord qu’a-t-on fait de moi ? Et prioritairement qui se cache sous cet anonymat ? Si l’individu n’est le principe de rien de ce qui est au monde ; et comment pourrait-il être la source de quoi que ce soit, puisqu’il n’est, à l’origine, habité que par des sensations, qu’il est une sorte d’électroscope, de sismographe ; un appétit illimité ; une béance avide d’être comblée ; ce qui a fait de lui l’être humain, ou prétendument humain, qu’il est devenu, ce ne peut forcément être que le monde. Le monde que chaque individu porte en lui n’est qu’un reflet du monde dit commun ; on a coutume de considérer qu’une conscience, un être humain, est un microcosme ; on peut plutôt, à l’instar de Leibniz, y voire une monade, un monde à part entière. C’est le monde qui envahit, en la façonnant, la conscience de chaque individu ; c’est le monde qui est premier ; la conscience individuelle n’en est qu’un avatar : voilà ce dont l’individu doit prendre conscience d’être. Celui qui revendique d’être soi, d’être lui-même, prétend, mais il n’en a pas la moindre conscience, imposer sa propre vision du monde ; imposer à autrui l’empreinte du monde que ses dispositions physiologiques, métaboliques, et les circonstances qu’il a vécues, ont permis à son cerveau, ou plutôt ont contraint, ce dernier, d’enregistrer.

Alors, vous en viendrez à vous demander quelle différence cela fait-il que l’individu (l’homme génial aussi bien que le débile mental) soit totalement conditionné par son capital génétique, ou que ce conditionnement soit conforme à une volonté divine, à moins que ce soit la nature qui en ait ainsi décidé (subsidiairement quelle différence conviendrait-il de faire entre Dieu et la nature ?), ou, encore, comme le point de vue en est ici défendu, que sa mise en situation soit le résultat d’une auto programmation, spontanément organisée, à son insu, par sa constitution physiologique, en réponse aux aléas de sa confrontation avec le monde ?

La différence consiste en ce que la dernière option, celle qui voit en l’homme un automate auto-programmé, est riche d’un espoir dont sont dénuées les autres hypothèses. Si la conscience est, en dernière analyse, l’empreinte indélébile que le monde imprime sur cette pellicule sensible qu’est un cerveau humain, alors on peut espérer pouvoir agir sur les consciences individuelles en s’ingéniant à réunir les conditions susceptibles de permettre au monde de devenir autre qu’il n’est… A ce stade de la réflexion il conviendra d’admettre que les hommes ont le pouvoir de donner naissance à un autre monde ; c’est un autre débat qui appelle de plus amples développements qui n’ont pas leur place dans le cadre du présent article.

En l’occurrence on devra conclure que la conscience d’être est la conscience d’exister, et qu’elle n’est rien d’autre ; qu’elle n’est pas conscience de soi si par là on entend signifier qu’il existerait un soi, humain, profond, stable, identifiable, antérieur à l’immersion de l’individu dans le monde ; le soi est un « être devenu » ; et ce qu’il est devenu n’avait rien d’inéluctable… tout ce qu’on peut espérer c’est arriver à se donner les moyens qu’il redevienne un être en devenir.   

   

         

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