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La méditation, librement conduite au cours de dix articles précédents consacrés au concept de civilisation, a débouché sur une antinomie : une civilisation se construit à partir de l’idée que les hommes se font d’eux-mêmes ; or les hommes ne sont évidemment pas en mesure de parvenir à une conception, non révisable, convaincante,  de ce que signifie le fait d’être un homme ; aucune recherche anthropologique ne parviendra jamais à dresser le portrait robot de l’être humain ; dans ce domaine, comme en tout autre d’ailleurs, l’absolu est hors de portée ; en foi de quoi il semble inévitable de devoir renoncer à construire une civilisation qui aurait pour ambition d’être l’ultime, d’être « la » « Civilisation » ; du moins tant que par ce terme on désignera l’ensemble des caractéristiques de la vie culturelle et matérielle d’une communauté d’hommes ; celle-ci fût-elle constituée de l’ensemble des êtres humains qui peuplent la planète la civilisation en laquelle ils auraient cru unanimement se reconnaître, à un moment donné de leur histoire, n’en serait pas moins précaire, vouée à une mort certaine. En revanche si par civilisation on désigne l’action civilisatrice, i.e. le fait de se donner les moyens de faire prospérer l’humanité qui est en chaque homme, et partant, celle des sociétés dans lesquelles ils cohabitent, alors il en va tout autrement.

Si la civilisation est une entreprise (vouée à n’aboutir jamais définitivement, une pérégrination sans carte d’état major, une navigation sans port d’attache et sans relâche),  qui vise à libérer, autant que faire se peut, l’homme des contraintes naturelles dont son existence physique dépend ; à développer sa spiritualité, savoir, ce qui fait qu’il est un animal pas tout à fait comme les autres ; sans pour autant perturber son environnement, et tout en respectant l’intégrité de chacun des membres de l’espèce à laquelle il appartient ; les conditions de possibilité d’une telle entreprise peuvent, alors, être énoncées ; et elles l’ont été, sommairement, dans le précédent article intitulé : « Civilisations, suite n°9 (Remarques) ».

Dès lors on comprend que parler de civilisation comme le sens commun le fait, en visant par ce terme tout ce qui caractérise une société donnée à un moment donné, est un abus de langage ; la seule vraie civilisation sera, perpétuellement, en quête d’elle-même, tout en étant assurée de ne jamais voir sa recherche aboutir ; elle ne s’autorisera même pas à se parer du terme de civilisation ; bien plus, elle niera qu’une civilisation, au sens convenu de ce terme, puisse jamais exister.

Tout ce qui a prétendu, jusqu’à ce jour, au titre de civilisation n’a été, et n’est, que démarche avortée, ou en passe d’avorter, visant à établir, à titre définitif, une certaine conception de l’homme, alors que la civilisation ne peut être que la recherche, constamment remise sur le chantier, jamais achevée, ni même en passe de l’être, de ce que peut (paraît pouvoir et devoir) être un homme, avec pour seul fil directeur la volonté sans faille de rendre possible, de  recueillir, et de respecter scrupuleusement, un consensus le plus complet possible, constamment vérifié, sur ce qu’il paraît être à chaque instant.

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

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