Gérard Depardieu

Une fuite à l’étranger, aussi maladroite, et peu discrète, que celle de ce malheureux Louis XVI ; une fuite, que son auteur revendique, finalement, pour ce qu’elle est, un exil fiscal ; il n’en fallait pas plus pour que la France entière s’émeuve ; que toutes les rédactions des médias s’agitent ; que les déclarations publiques se multiplient… certaines, d’ailleurs de très bon ton, voire émouvantes, comme celle, empreinte de dignité, de Michel Sardou, ou celle, chaleureuse, souriante, mais vibrante de sincérité, de Jamel Debbouze… Merci à eux !

Beaucoup de bruit pour rien ! s’exclameront certains, et dans le fond ils auront raison ; il n’empêche ; Sardou et Debbouze ont su appliquer un peu de baume apaisant sur une plaie, si ridiculement insignifiante qu’on n’ose même pas avouer son existence, mais qui ne laisse pas de vous tourmenter, qu’on le veuille ou non.. Ah ! Monsieur Depardieu ! Aviez-vous mesuré le chagrin que vous alliez nous causer, en nous tournant le dos ? 

Il l’a fait, c’était son droit le plus stricte ; mais il l’a fait, comme on défie papa ou maman. Qu’il nous pardonne ! Nous n’arrivons pas à prendre son geste au sérieux ; ça reste de l’enfantillage, de la part d’un garçon que nous admirons tous, à qui nous reconnaissons, tous, un immense talent ; qui nous a si souvent émus, jusqu’aux larmes ; qui sait tout interpréter, y compris ces personnages héroïco-pathétiques, tout droit issus de l’univers sombre de Zola, et qui deviennent crédibles et inoubliables, quand c’est lui qui leur a donné vie à l’écran.

Gérard Depardieu paiera moins d’impôts ? Qu’à cela ne tienne, il pourra dépenser plus, et contribuer à faire prospérer l’artisanat et le commerce de luxe, de la France en particulier.

Ne nous trompons pas de cible. La propriété est un droit justement garanti, et doit le rester ; un droit inaliénable, dès lors qu’il ne porte pas sur des moyens de production.

En s’expatriant monsieur Depardieu a mis à profit les incohérences fiscales de l’Europe ; c’est à ceux qui sont responsables de ces incohérences qu’il faut s’en prendre, pas à Gérard Depardieu.

C’est désormais un fait, les concepts de Nation et de Patrie n’ont plus aucun sens sur les plans politique et économique. Culturellement, il n’en va pas de même ; la culture reste le lieu d’une indéfectible solidarité. Gérard Depardieu est français ; nul n’oserait en douter ; il est impensable qu’il demande à changer de nationalité : on n’insulte pas un peuple qui vous a investi de son admiration, et de son affection.

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]