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Les quelques considérations qui ont fait l’objet des précédents articles du présent blog, intitulés « Les valeurs », conduisent à énoncer (plus exactement, à confirmer), en forme » de conclusion provisoire, une hypothèse majeure, un postulat premier, négatif, mais décisif en tant qu’il détermine étroitement l’idée qu’on peut se faire de la condition humaine ; ce postulat pose que  l’être de l’univers, l’être de l’en soi, est inintelligible pour l’homme ; qu’il n’y a pas de réponse plausible à la question qui demande pourquoi l’univers physique existe, ni, par voie de conséquence, à celle qui demande, plus précisément, pourquoi l’homme, qui est un élément de cet univers, existe. Ce postulat peut, doit (par précaution ; parce que le simple bon-sens l’impose), être interprété comme signifiant que la question qui demande : « Pourquoi ?», est dénuée de toute signification hors du monde ; attendu que le monde ne se confond pas avec l’univers ; que le monde est le fait de l’homme ; que, donc, il a une raison d’être, opposable aux hommes, en tant qu’il est justifié par leur propre existence… Attendu que le monde, qui n’est qu’une vision anthropomorphique de l’univers, existe, parce que les hommes l’ont eux-mêmes conçu (on pourrait même dire qu’ils l’ont créé), qu’ils en aient eu conscience, ou non. C’est « pourquoi », tout, dans le monde, jusqu’à son existence, trouve à s’expliquer ; ainsi s’explique-t-il, également, que, pour tout ce qui existe dans le monde, la question : « Pourquoi ? » s’avère pertinente, et trouve, nécessairement, une réponse.

Les valeurs susceptibles de s’imposer à l’homme ne peuvent donc être recherchées, ni en explorant les origines de l’univers, ni en spéculant sur sa finalité ; rechercher l’essence des valeurs humaines (s’il peut en exister ; question toujours en suspens) hors du monde, c’est vouloir utiliser une échelle de transcendance non pertinente ; dans la perspective dessinée tout au long des précédents articles, il n’est de transcendance que par rapport à l’individu, mais au sein même du monde… c’est-à-dire, dans ce que d’autres seraient tentés d’appeler, à tort, l’immanence.

Ces valeurs, si elles existent, ne peuvent qu’être compatibles avec ce que l’homme est désormais fondé à considérer comme étant constitutif de sa condition… qui a été définie, avec un brin de témérité, comme celle d’un automate auto-programmable ; automate qui n’est en situation de s’extraire de la gangue animale dont il procède qu’à l’aide de son aptitude à la réflexion, savoir cette capacité à s’analyser lui-même, et, partant, à analyser ses représentations, autrement dit le contenu de sa conscience. Or cette capacité l’a conduit à énoncer, sous forme de principes indémontrables, les règles essentielles qui régissent le rapport qu’il entretient avec son environnement physique, en vue d’en tirer le meilleur parti, et qui, par la force des choses, ont présidé, pour partie, à la création du monde humain, et au développement d’un savoir utile (tout aussi dangereux qu’utile, d’ailleurs), susceptible d’apprentissage, appelé la science… toutes choses proposées (imposées ?) par la nature ; et qu’il doit s’efforcer de respecter, en vérifiant, minutieusement, l’innocuité de son action.

Mais le monde n’est pas que physique, et l’individu n’entretient pas de rapports qu’avec le monde physique.

Les hommes ont tissé entre eux, dans le but d’agir les uns avec les autres, mais aussi les uns sur les autres, une multitude de liens, en utilisant à cet effet les seules ressources de leur cerveau ; sans disposer, à la différence de ce qui se passe pour leur action sur le monde physique, des moyens de vérifier, par l’expérience, si celle-ci correspond, est appropriée, aux buts qu’ils poursuivent, ni, surtout, à la nature de l’objet sur lequel ils prétendent agir, dont ils s’efforcent de tirer parti, et qui, en l’occurrence n’est plus le monde physique inerte, mais l’homme lui-même. Or la raison, qui est le seul outil dont ils disposent pour fabriquer leur monde, qu’ils veuillent agir sur la nature physique ou sur leurs semblables, ne se déploie qu’à partir de prémisses indémontrables, et ne se fraie un chemin efficace, et utile, qu’à la lumière de l’expérience, quand elle est possible ; ils n’en peuvent appeler à aucune vérité a priori pour guider leur action, ni envers la nature, ni envers leurs semblables.

Or leur action sur la nature est totalement conditionnée par les rapports que les hommes parviennent à tisser entre eux.

On ne peut esquiver la conclusion ; elle découle impérativement des considérations qui précèdent ; aucune valeur, opposable aux hommes en tant qu’elle assurerait l’épanouissement de leur humanité, n’est susceptible de s’imposer d’elle-même ; il est radicalement impossible de définir le bien en soi ; personne, pas un homme, ne peut donc revendiquer la légitimité de décider pour autrui ce qu’il est convenable qu’il fasse, ou qu’il s’interdise de faire.

Q’aucune éthique ne s’impose d’elle-même ne signifie pas, pour autant, que les hommes puissent faire l’économie de déterminer, probablement selon des procédures particulières, qui restent à imaginer, une éthique, qui réponde non seulement à la question : « Comment agir ? », mais aussi, et surtout, à celle qui demande : « Pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi ? ». A défaut,  comment pourraient-ils rendre fructueuses, pour tous, leur coexistence, et  leurs entreprises individuelles ou collectives ? A défaut, comment espérer que le monde puisse enfin se plier au service exclusif de leur humanité ?

 

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

 

        

 

 

 

 

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