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Comment le logiciel, dont on constate l’existence dans notre cerveau, dont on observe qu’il est évolutif, qui détermine les modalités de notre adaptation au monde, qui nous fournit les moyens de notre action sur le monde… comment ce logiciel se construit-il ? Peut-on en proposer un algorithme convaincant ? Que suppose-t-il comme aptitudes de la part du hardware qui l’accueille ?

- Première observation : ce logiciel fonctionne manifestement sur deux modes :

En temps réel, spontanément, au fur et à mesure des sollicitations de l’environnement avec lequel le cerveau est confronté, pour répondre aux stimuli d’origine externe ou interne ; en mode réactif, donc ;

En temps différé, sur décision du sujet ; en mode réflexif.

Tout porte à croire que dans l’un et l’autre de ces deux modes, les « routines » (ce terme, comme bien d’autres, sont, et continueront d’être, ici, utilisés pour souligner l’analogie manifeste, qu’on ne peut pas ne pas remarquer, entre le fonctionnement du cerveau, et celui d’un ordinateur) sollicitées sont les mêmes.

- Deuxième observation : les quelques considérations exposées dans les trois articles précédents, portant sur le même sujet, conduisent à imaginer que les informations enregistrées dans le cerveau, durablement, ou non, mais consultables, pendant un laps de temps plus ou moins long (très bref dans le cadre de la mémoire immédiate ; très long, voire de façon inaltérable, dans le cadre de la mémoire opérationnelle), sont, nécessairement, toutes, interconnectées. Toutes les données activables (susceptibles d’être mobilisées pour informer une représentation), sont, par définition, accessibles ; elles font, donc, nécessairement, partie d’un ensemble solidaire. Le cerveau se présente, du point de vue des données utiles qu’il contient, comme une sorte de galaxie dont les étoiles, ici les données, sont d’une certaine façon toutes interdépendantes ;

- Troisième observation : les données en entrées, qui viennent alimenter la base des données résidentes, sont issues de sources différentes (une source par type de sensations recueillies) ; il faut donc imaginer que l’arborescence unique qui regroupe l’ensemble des données mémorisées, s’alimente en différents points (géographiques du cerveau) ;

- Quatrième observation : les synapses, carrefours où aboutissent les informations véhiculées par différents neurones (jusqu’à un millier de neurones peuvent s’y trouver interconnectés), sont vraisemblablement investies d’une fonction de tri, ou de sélection, sans quoi la galaxie des données résidentes serait inexploitable ; elle se présenterait comme une sorte d’immense labyrinthe ;

- Cinquième observation :  l’activité de recueil des données ne s’interrompant jamais (pendant une période de veille), force est de conclure que leur traitement se fait  par lots ; un lot étant constitué, comme peuvent l’être, un instantané photographique, les images successives d’un film cinématographique, ou un paquet de sonorités numérisées dans un C. D., par le regroupement des données issues, à un instant « t », de tous les périphériques concernés. Chaque donnée devrait, pour être exploitable, être assortie d’un indice déterminant, avec précision, son degré d’importance, savoir l’intensité de la réaction affective qu’elle a provoquée. Chaque lot constituerait, dans cette hypothèse, l’ébauche, conçue à partir des données brutes, d’une possible future représentation ;

- Sixième observation : si l’observation précédente s’averrait pertinente, il faudrait imaginer que le cerveau a la possibilité de stocker les lots de données préconscientes (que j’ai qualifiés, par ailleurs, d’ébauches, à l’état brut, de représentations), en en respectant la chronologie, dans des zones de neurones faisant office de zones tampon (buffers), dans l’attente du traitement d’enrichissement, ou de documentation, dont il a été question dans l’article qui précède, immédiatement, le présent article ; ce traitement, faut-il le rappeler, devant permettre de rechercher, en explorant la base des données résidentes, des informations analogues, voisines, ou, bien évidemment, et a fortiori, identiques, susceptibles d’éclairer, à la lumière de l’expérience vécue, les implications à attendre de la situation décrite par le lot de données considérées ; 

- Septième observation : un lot de données brutes, enrichi des données de l’expérience, est une représentation en puissance. Si elle est sélectionnée comme telle, elle vient enrichir d’une arborescence complémentaire la galaxie existante ; elle devient consciente, parce qu’elle est la seule arborescence terminale activée ; qui dispose d’un niveau d’intensité suffisant ; on peut parler d’une prise de vue extraite d’un docufiction en ce sens que la représentation a été construite à partir de données du réel, mais qu’elle a été enrichie, donc en quelque sorte réécrite, à partir de l’expérience passée du sujet ; on peut donc dire que ce qui parvient à la conscience est une réalité, réinterprétée subjectivement, et qu’elle est donc, pour une large part, une fiction ;

- Huitième observation : aussitôt présentifiée, la représentation perd en intensité, pour céder la place à une autre représentation ; la représentation qui vient de céder la position privilégiée de phénomène de conscience va être archivée, plus ou moins durablement. Il ne faut vraisemblablement pas imaginer que, pour autant, elle sera stockée dans une zone particulière du cerveau, affectée à cet usage. L’archivage assure sa non disparition, mais ne la déloge sans doute pas. Le temps d’archivage est peut-être fonction du niveau de son intensité résiduelle. Tant qu’elle restera présente, c’est-à-dire tant que l’arborescence, constitutive de la représentation qu’elle fut, reste inscrite, avec plus ou moins d’intensité, dans le cerveau, elle sera consultable par les procédures automatiques, sommairement évoquées ci-dessus, et ré-activable, c’est-à-dire susceptible de reprendre rang de représentation, mais, cette fois-ci, sous forme de souvenir, plus ou moins précis, selon que le degré d’intensité associé à cet enregistrement (arborescence) sera plus ou moins important. (A suivre)

 

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

 

 

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