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Sur un plan strictement religieux, la foi en Jésus s’analyse, d’abord (même si elle ne s’y limite pas, même si elle comporte, en outre, nécessairement, l’adhésion à la doctrine enseignée par Jésus de son vivant), comme la croyance en sa double nature, à la fois humaine et divine ; croire en Jésus, pour un Chrétien, c’est admettre que Jésus est messie, christ, fils de Dieu, et vraiment Dieu lui-même, et c’est, subséquemment, croire que, le troisième jour après sa mort sur le bois du supplice, il est ressuscité.

On peut être un fervent adepte de Jésus, sans être Chrétien pour autant ; on a alors, simplement, foi en sa doctrine.

On peut comprendre que, pour un Chrétien, entre avoir foi en Jésus, lui-même, ou, avoir foi seulement en sa doctrine, il y a un écart, un gouffre, que rien ne peut combler. En réalité, cette différence n’est le fait que d’une erreur d’optique ; elle-même fonction de la place de l’observateur. Le chrétien examine le monde depuis les nuées, depuis l’au-delà, à l’aide d’une lunette qui a tendance a déformer la réalité strictement mondaine ; le non chrétien a le nez sur l’événement. Le chrétien apprécie les évènements intra mondain dans une perspective large, eschatologique : il voit infiniment loin, infiniment grand, sans limite dans le temps ;  le non chrétien se heurte, en permanence, aux frontières du monde : il n’a aucun recul possible par rapport aux évènements, empêché qu’il est, de se projeter dans les grands espaces, et dans l’éternité, par la perspective d’une inéluctable mort prochaine. Quelle différence cela fait-il, en réalité, du point de vue de la vie sur terre ?

Jésus a porté toute son attention sur la vie des hommes sur cette terre ; ses prescriptions constituent une éthique de la vie sur terre ; la charte du Royaume, i.e. du monde tel qu’il le conçoit, tel qu’il lui paraît répondre aux exigences de la part d’humanité qui habite l’homme, énonce des préceptes de vie terrestre ; les Béatitudes, ces aspirations sublimes qu’il décrit dans le sermon sur la montagne, sont à faire fructifier ici, et maintenant ; toute les paraboles du royaume visent à faire comprendre, aussi simplement et clairement que possible, non pas que les valeurs seront inversées dans un monde à venir, dans un lointain au-delà, où le règne de Dieu s’exercera sans partage, mais qu’elles doivent l’être dans le monde tel qu’il est, pour assurer le reflux de l’injustice, et de la haine ; le reflux du mal.

Les Evangiles n’affirment-ils pas, d’ailleurs, à plusieurs reprises, que la vie éternelle n’est, tout simplement, que la vie du juste ; celle qu’on est appelé à vivre dans le monde ; lequel devient alors le Royaume, sous la lumière de l’Esprit ; la vie du monde, tel que les hommes l’ont fait, étant, en réalité, la mort.

La vie du Monde « à venir » c’est, évidemment, dans l’esprit de Jésus, la vie du monde qui vient  (de la même façon que le temps de « l’avent », célébré par les chrétiens, avant les fêtes de Noël, est le temps qui précède la venue de Jésus parmi les hommes).

Quand Jésus proclame : « Je ne suis pas venu abolir la Loi et les Prophètes ; je suis venu les accomplir », il délivre un message qui s’adresse à tous les hommes, sans exception. Il leur dit que la Bible recense les efforts que les hommes ont fait, depuis la nuit des temps, pour se hisser, grâce à leurs aptitudes intellectuelles et spirituelles, au dessus de l’animalité, et que ces efforts doivent être poursuivis, sans rupture ; qu’il convient de les pratiquer, désormais, avec plus d’exigence et de subtilité, plus de générosité, et une totale humilité, avec charité ; cette charité dont Paul de Tarse dira (Corinthiens, première, 13) :

« Quand je parlerais les langues des hommes et des anges… Quand j’aurais le don de prophétie, et quand je connaîtrais tous les mystères et toute la science ; quand j’aurais une foi totale, à transporter les montagnes… Quand je distribuerais tous mes biens pour l’entretien des pauvres, quand je livrerais mon corps au feu, si je n’ai pas la charité, cela ne m’avance à rien.

La charité est patiente… bonne ; (elle) n’est pas envieuse, elle n’est pas infatuée, ni hautaine… (elle) ne fait rien de messéant, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s’emporte pas, elle ne tient pas compte du mal. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout.

La charité ne passera jamais…

Actuellement trois choses demeurent : la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois c’est la charité ».

Cette proclamation rajouterait, s’il était possible de le faire, à la sublimité des béatitudes ; mais l’émouvante, et fastueuse, beauté des Béatitudes est indépassable ; à coup sûr même, inégalable ; et c’est pourquoi elle trouve un écho dans le cœur de chaque homme, qu’il ait ou non foi en Dieu.

Réduire son acte de foi à la doctrine enseignée par Jésus, en refusant de se prononcer sur l’éventuelle divinité de ce dernier, ce n’est nullement professer une quelconque forme d’athéisme ; c’est reléguer (qu’on veuille bien pardonner l’expression) Dieu au delà des frontières du monde ; non pas qu’on imagine que la raison est en mesure de percer tous les secrets de l’univers jusqu’à comprendre ce qui explique son existence, et celle de l’homme ; mais afin de postuler, sans la moindre ambiguïté, que tout ce qui advient à la communauté des hommes, par son propre fait, trouve à s’expliquer exclusivement par la responsabilité humaine, sans qu’il y ait lieu de supposer d’intervention ni divine, ni diabolique. Qu’il y ait, ou non une vie après la mort, procède d’un pur acte de foi ; c’est une croyance qui n’est en soi nullement condamnable ; mais l’observation des règles énoncées par le nouveau Testament ne dépend, en aucune façon, de cette croyance.

Quelle différence croit-on devoir faire entre la croyance en l’existence d’un Dieu, puissance supérieure à l’homme et la certitude (quasi certitude) que la raison humaine est limitée et incertaine, impuissante à tout comprendre ?

Pourquoi voudrait-on que Dieu, si Dieu il y a, se soit interdit de confier aux hommes les clés de leur propre destin ? Pourquoi exclure que ceux-ci disposent des moyens d’assurer leur coexistence pacifique (avec ou sans l’agrément d’une divinité) ; pourquoi Jésus n’aurait-il pas eu le privilège exceptionnel, naturel ou surnaturel, d’en exposer les conditions, en le payant chèrement ; en le payant au prix le plus fort, de sa vie, s’il n’était qu’un homme ?

 

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

 

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