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Dans son numéro daté du samedi 8 décembre 2012, le journal « Le Monde » n’hésite pas à titrer, en forme de conclusion qui se présente comme définitive, sur trois colonnes à la une : « Florange : gâchis politique et détresse sociale ».

Pour ce qui est de la détresse sociale, elle sévit, en effet, à Florange, comme dans bon nombre d’anciens bassins industriels français ; mais elle n’est pas due à l’action du gouvernement actuel, pas plus qu’à la mise en veilleuse des deux derniers hauts fourneaux lorrains.

A ce propos, monsieur Etienne Dollé, le pré-liquidateur de la sidérurgie franco-luxembourgeoise (c’est apparemment à monsieur Mittal que va devoir revenir l’honneur de liquider définitivement les sidérurgies française et luxembourgeoise), a cru devoir se hisser au créneau médiatique pour faire savoir, à qui voudrait bien l’entendre, que les hauts fourneaux de Florange étaient condamnés, par la technocratie compétente, depuis plusieurs lustres ; que l’acier ne pouvait, désormais, être produit ailleurs que dans des ports ; il a oublié de préciser s’il pensait à des ports européens ou asiatiques. Monsieur Mittal parle moins que monsieur Dollé, mais il agit, et chacun de ses actes montre qu’il s’efforce de replier son groupe sur l’Asie, où il espère donner plus de vigueur à ses profits. Ca vous étonne ? C’est que vous ignorez alors que Mittal Steel est endetté à hauteur de dix huit milliards d’euros. Que feriez vous à la place de monsieur Mittal ?

Pourquoi monsieur Dollé a-t-il cédé la sidérurgie française à Mittal ? Voilà ce qu’il aurait dû expliquer. Ainsi voit-on de plus en plus de capitaines d’industrie, de financiers et, surtout, d’économistes, décomplexés (c’est une attitude à la mode), s’enhardir  jusqu’à oser expliquer au peuple français que le temps n’est plus où l’industrie lourde pouvait prospérer en Europe ; qu’il faut être des niais pour s’agripper à des équipements industriels du passé, de vieilles reliques qui ne sont désormais plus compétitives… en oubliant de préciser que cette nouvelle donne économique qui condamne l’industrie lourde (mais pas seulement) européenne, c’est eux qui l’ont ardemment désirée ; c’est eux qui ont fait tout ce qui était en leur pourvoir pour qu’elle s’impose. En réalité, monsieur Etienne Dollé fait preuve, lui, non pas simplement de hardiesse, mais d’un authentique courage, voire de témérité ; non seulement il a cédé la sidérurgie française à un spéculateur, mais il vole à son secours dès que les intérêts de ce dernier lui paraissent menacés.

Tout cela est parfaitement cohérent, même si on peut le regretter ; c’est tout simplement conforme à la loi de l’argent ; la seule loi qui s’impose au capitalisme financier ; une loi aveugle, qui génère des profits… mais au prix d’une effrayante détresse sociale.

Quant au gâchis politique, il y a plus de trente ans qu’il s’est installé en France ; pour l’actuel gouvernement, y contribuer consisterait à continuer de laisser faire le capitalisme financier ; à continuer d’accepter que la politique soit totalement impuissante à s’opposer aux méfaits dont se rendent coupables les multinationales..

Compte tenu de ce qu’est devenu (parce que certains l’ont voulu) le marché mondial de l’industrie lourde, faute de pouvoir changer radicalement les données qui président au fonctionnement de ce marché, qui peut croire, qu’en dehors d’une exploitation, largement subventionnée, à caractère expérimental, comme ce serait, par exemple, le cas si le projet ULCOS devait voir le jour, et que le site de Florange soit retenu pour en être le siège, les hauts fourneaux de Florange pourraient redevenir rentables ? Il faudrait alors admettre que monsieur Mittal est fou, qui renonce à produire de l’acier sur place pour alimenter ses laminoirs de Florange. Non, le sidérurgiste indien n’est pas fou ; et le gouvernement français, qui a manifesté sa détermination à voir l’emploi préservé à Florange, détermination dont il a montré qu’elle pourrait aller jusqu’à prononcer la nationalisation ( une nationalisation sanction déguisée ? Pas uniquement ! Une décision qu’il aurait fallu, si elle avait dû être prise, analyser comme ayant des motifs prioritairement socio-économiques) d’une partie des activités industrielles de Mittal si ce dernier n’acceptait pas de garantir l’emploi, a bien fait de ne pas céder à ceux qui lui conseillaient de réaliser un coup d’éclat, qui aurait certes donné satisfaction aux ouvriers d’Arcelor Mittal, mais qui n’aurait pas manqué de s’avérer assurément onéreux sur le plan financier, pour un gain politique totalement aléatoire. 

On ajouterait, en revanche, au gâchis politique, si le gouvernement français s’averrait, finalement, incapable d’imposer à Mittal le respect de l’accord signé : il faut attendre la suite.

 

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

 

   

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