Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ceux qui, dans la matinée du 26 avril, étaient à l’écoute de l’excellente émission de France Culture, « Les nouveaux chemins de la connaissance », auront suivi, avec intérêt, le traitement (en forme de corrigé), par une personne compétente, d’un sujet de philosophie, de niveau baccalauréat, qui demandait : « La culture permet-elle à l’homme de s’humaniser ? » ; à moins que ce ne fut une question légèrement  différente, mais du même ordre de généralité, et portant sur le même thème. La journaliste qui animait l’émission a cru devoir préciser, tout en présentant sa remarque comme allant de soi, que l’homme a toujours été habité par la violence, laquelle serait l’expression de son indéfectible origine animale, et que l’humanisation consiste, nécessairement, à éliminer, ou pour le moins marginaliser, l’animalité, source de toutes les violences, qui est en l’homme. C’est évidemment un contre sens. Invoquer l’originaire bestialité de l’homme pour expliquer la violence qui habite le monde, c’est d’abord tourner le dos à l’espérance, à toute forme d’espoir de voir l’humanité progresser. Si par essence l’homme est une brute dont on peut, tout au plus, espérer que, grâce à la culture, il pourra faire taire, momentanément, épisodiquement, l’hostilité dévastatrice envers sa propre espèce qui le caractérise, alors c’en est fini de l’ambition de construire un monde proprement humain, pacifié à jamais.

 En réalité, rejeter les causes du mal qui infeste le monde des humains sur leurs racines animales, c’est, surtout, commettre une erreur tragique d’analyse. Mais, au préalable,  précisons notre propos. Il n’est pas ici question du mal dont un individu peut se rendre coupable envers un autre individu, ce mal qui nourrit l’abondante rubrique quotidienne des faits divers dans tous  les médias du monde, mais de cette force maligne qui pousse le monde à diviser les hommes en classes antagonistes ;  à produire d’insupportables subordinations des êtres humains, les uns par rapport aux autres ; de la violence collective, administrée, soigneusement organisée, ce qu’on appelle des guerres (connaissez vous une autre espèce animale, si profondément divisée contre elle-même, que l’une de ses  fractions en arrive à mettre tout en œuvre pour éliminer les autres ?) ; des génocides hallucinants ; de la torture légalisée… en un mot de cette force maligne qui pousse les hommes (la plupart d’entre eux) à vouloir se saisir, à tout prix, ne fut-ce que d’une parcelle de pouvoir sur le plus grand nombre possible de leurs semblables…

Le pouvoir de l’homme sur l’homme ; voilà le mal absolu. Et ce mal, l’homme n’en hérite pas de ses gènes, mais, évidemment, de sa culture.

 En douter, l’ignorer, au point de se croire autorisé à enseigner le contraire à de jeunes lycéens, comme s’il s’agissait d’une évidence, c’est commettre, ni plus, ni moins qu’un crime contre l’humanité. Le mot pourra paraître excessif. En réalité il ne l’est pas. Il est grand temps que les hommes prennent conscience que la voie, la seule voie, qui puisse  conduire l’homme de l’animalité (qui n’est pas une bestialité) à l’humanité, qui n’est pas son contraire, mais tout simplement son dépassement, est, effectivement, le développement culturel ; l’humanité est, toute entière, conscience réflexive, spiritualité (i. e. prééminence de l’esprit) ; n’est-ce pas précisément par ce trait (savoir, qu’elle pense), que l’humanité se distingue de la pure animalité ? Pourquoi dans ces conditions chercher ailleurs l’explication des écarts de comportement qui singularisent (en la pénalisant) l’espèce, dont elle est l’apanage, du reste du genre animal ? Evidemment, la culture est le seul moyen dont dispose l’homme pour donner sens à son humanité (laquelle n’est rien d’autre que la faculté de produire de la culture), mais la culture n’est, elle-même, rien d’autre que la mise en œuvre de l’aptitude à raisonner, faculté qui est le propre du cortex supérieur de l’homme (parce que ses conditions d’exercice s’y trouvent plus développés que dans les cerveaux de tous les autres animaux). Or la raison est un outil imparfait, pire, elle peut devenir une arme dangereuse, quand elle est manipulée sans d’extrêmes précautions. (à suivre).

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :