Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 Le silence de monsieur Mittal a fait, pendant plusieurs jours, la une de tous les organes de la presse écrite et parlée. On se livrait, avec délice, à d’innombrables spéculations sur la réalité, et la portée, de l’accord passé entre le Premier Ministre, pour le compte du Gouvernement français, et Lakshmi Mittal, pour le compte d’Arcelor Mittal, filiale française de Mittal steel, représentant, peu ou prou, la totalité de la filière française de l’acier. On relayait avec empressement les doutes des syndicalistes de Florange ; pourquoi pas ? L’intervention du « Premier Ministre de la France » ne changea rien au climat de forte suspicion qui régnait ; on continua de douter de l’existence de ce qu’on allait jusqu’à qualifier de « prétendu » accord, malgré les précisions fournies à son sujet par le chef du gouvernement.

Le journal « Le Monde » , qui fut naguère un grand journal d’information, n’a pas fait exception à la règle ; et quand enfin des négociations entre direction et syndicats s’engagent sur Florange, comme le titre, d’ailleurs, « Le Monde » ; quand la voix de monsieur Mittal devient audible ; qu’on commence à découvrir comment seront affectés les 180 millions d’euros qu’Arcelor Mittal s’est engagé à investir, sur cinq ans, à Florange/Hayange ; qu’on apprend que 35 millions le seront dès le premier trimestre 2013 ; que, de plus, 15 millions d’euros vont être investis sur le site de Basse-Indre (Loire-Atlantique), malgré le transfert de certaines de ses activités sur Florange ; que les directions concernées ont confirmé qu’aucun plan social n’est prévu ni par Arcelor-Mittal Lorraine, ni par Arcelor-Mittal Atlantique… Quand enfin il y aurait matière à rassurer, dans la mesure du possible, le pays, quant à la parole de ses dirigeants, et quant à la pertinence des décisions qu’ils ont prises en l’occurrence, alors c’est en page 14, sous la rubrique Economie, qu’on relègue l’article relatant ces faits sur un quart de page ; article dont il faut convenir qu’il est fort honnêtement rédigé, d’ailleurs, mais qui n’est même pas signalé en première page du journal.

Allons bon ! La rédaction du Monde aura, donc, jugé que l’affaire de Florange n’était plus une affaire politico-sociale de première importance ? Eh bien, oui, tel est, en effet, le cas ! Car il y a désormais beaucoup plus intéressant à publier ; en première page de ce même numéro du monde on signale, sous le titre alléchant, et particulièrement élégant, de « François Hollande suspend son vol »,  un article qui a les honneurs des trois quarts de la page 8, lui-même intitulé, en caractères « très » gras, sur cinq colonnes, « Les interrogations de l’entourage de M. Hollande » ; quelle aubaine ! voilà un nouveau silence qu’on va pouvoir exploiter à fond, en émettant (la parole étant libre en France ; et si cette liberté n’est pas toujours mise à profit, certains savent en user, voire en abuser) les hypothèses, les plus assassines possibles, sur ce qu’il peut bien cacher.

Toujours dans ce même numéro du Monde, les lecteurs ont droit à une interview de J.P. Chevènement qui leur assène une de ces énormes pseudo-vérités dont il a le secret : « Arrêtons d’enflammer la France avec des questions marginales », déclare-t-il, visant le mariage pour tous et le droit de vote des étrangers.

Qu’il se rassure, ces questions n’émeuvent qu’une France conservatrice, minoritaire, frileuse, et peu encline à la violence (ce qui est tout à son honneur, et ne rend pas pour autant ses prises de position inintéressantes, ni mal venues). Le débat sur les mœurs est un débat qu’il ne faut pas esquiver ; l’avenir à long terme d’une société en dépend.

En revanche, la pratique du poil à gratter et des feux de Bengale, que croient pouvoir adopter, en général, les médias français (ils sont en crise ; c’est leur seule excuse) ; pratique qui consiste à formuler, à tort et à travers, des hypothèses sans fondement, à semer le doute sur les décisions gouvernementales, à exploiter tous les silences, en particulier ceux des responsables politiques, comme s’il s’agissait d’aveux d’impuissance, ou d’incompétence ; en somme à jeter du poil à gratter sous la chemise de tous ceux qui ont voté pour l’actuelle majorité… et à placer, sous la lumière la plus crue, de menus incidents, petits écarts de langage, lapsus, oublis véniels, comme s’il s’agissait d’autant d’affaires d’Etat ; en somme à allumer des feux de Bengale ayant pour seul objectif de mettre en lumière d’infimes détails, et de plonger dans une épaisse fumée le reste du panorama politique, i.e. les affaires ayant une réelle importance… Cette pratique est, évidemment, très dangereuse, et pourrait, malheureusement, inciter les esprits les plus faibles à la violence.

 

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

        

 

Tag(s) : #Entrez le nom de votre catégorie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :