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Il n’y a pas si longtemps (et peut-être la pratique y persiste-t-elle, encore, par endroit), dans les campagnes françaises, on saignait les volailles vivantes, pour confectionner avec le sang, précieusement récupéré, et encore chaud, une délicieuse omelette, délicatement assaisonnée (persil et échalotes finement hachés, sel, poivre), qu’on appelait une sanguette ; probablement y tue-t-on, encore, aussi, le « cochon », en le saignant vivant, bien souvent sans l’avoir assommé (combien sommes nous à avoir entendu les cris, aux accents presque humains, que ces pauvres animaux poussaient, plus de terreur que de douleur, pendant leur agonie ?), pour récupérer leur sang et en faire du boudin. Ceux qui ont consommé de la viande de ces animaux égorgés vivants, n’ont jamais eu le sentiment de manger hallal, pas plus que kasher, d’ailleurs. Les rituels de mise à mort d’animaux dont la viande est destinée à la consommation humaine n’ont de signification que pour les croyants ; ces rituels ne se résument pas à l’égorgement d’animaux encore en vie, ils comportent, en outre, l’énonciation de formules et le respect de postures sacramentelles. Celles-ci auraient-t-elles été respectées qu’elles ne modifieraient en rien la nature de la viande pour le non croyant. Pour un non croyant un rituel est un non événement. Inversement, la seule mise à mort par égorgement d’un animal vivant ne fait pas de sa viande un produit hallal ou kasher.

Que les abattoirs d’Île de France, animés par de simples (et médiocres) raisons d’économie, aient décidé de pratiquer le mode de mise à mort exigé par le rite musulman, quelle que soit la clientèle à fournir (qu’elle soit ou non musulmane), et qu’ils l’aient fait sans que leur clientèle non musulmane en soit avisée, est à coup sûr regrettable ; mais ça n’est certainement pas parce que  cette clientèle, non musulmane, aurait ainsi, à son insu, consommé hallal (encore une fois ne peut consommer hallal que qui le veut, i.e. le croyant pour qui le rituel a un sens), mais parce que la clientèle non musulmane est en droit de demander que les animaux, dont elle consomme la viande, soient mis à mort dans des conditions moins cruelles (que celles qu’exigent les rituels musulmans ou juifs), après avoir, par exemple, d’une façon ou d’une autre, été rendus inconscients.

L’inénarrable madame Le Pen voudrait bien faire de cet incident, ridicule, tout au plus fâcheux , ou contrariant, parce qu’il traduit un mépris, condamnable à coup sûr, de certains abattoirs à l’égard de la clientèle non musulmane (la plus nombreuse) d’Île de France, une affaire d’Etat. C’est qu’elle croit s’adresser à un peuple de nigauds, mentalement sous développés. Ses propos, qui se voudraient incendiaires, sont de nature à allumer, tout au plus, un feu de paille dans l’opinion publique, à moins qu’ils ne déclenchent une explosion de railleries bien méritées. En revanche, on ne peut qu’être frappés de stupeur au spectacle du pouvoir en place, et d’une bonne partie de l’opposition, se saisissant, eux aussi, avec une sorte de frénésie, de cette pseudo-affaire, comme s’il s’agissait d’une bombe à désamorcer d’urgence, comme si le résultat de la présidentielle pouvait s’en trouver lourdement influencé.

Pourquoi tant de mépris pour le peuple français, venant de tous les horizons, aussi bien politiques que commerciaux ?

[Louis R. Omert est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le sursaut », « Essai critique, social et philosophique », publié chez l’Harmattan, dans la collection « Questions contemporaines »]

 

 

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